Le dernier seigneur des Balkans est le titre accordé au cours du roman à Zülfikâr Bey, un jeune propriétaire terrien de Macédoine. Né en 1881, il grandit dans une région multiethnique en proie à des troubles nés de l'éveil des nationalismes à la fin du XIXème siècle. Doté d'une forte conscience patriote ainsi que de nombreuses qualités d'un véritable héros, il va se battre toute sa vie pour l'empire ottoman et contre la division de sa terre natale, d'abord pendant la guerre de 1912 puis en tant que membre d'un réseau secret d'informations pendant la guerre de 1914-18. Au fil de ses nombreuses histoires d'amour et d'amitié et de ses exploits, sa légende va croître et lui attirer le respect de tous, amis ou ennemis. Assassiné lâchement à dix jours de la fin de la guerre, il fut le dernier symbole de l'ordre ottoman séculaire dans les Balkans, et le témoin impuissant de sa disparition, d'où son surnom de « dernier seigneur » des Balkans.
[...] L'été qui suit l'évasion de Zülfikâr est cependant très dur à passer. D'après les informations d'un marchand ambulant, délateur, qui suit la bande dans sa progression, les gendarmes français effectuent un important travail de perquisitions, d'arrestations arbitraires et de torture aussi. Le nom de Zülfikâr Bey revient souvent dans les questions posées, preuve de la volonté des Français à le capturer. Après qu'Ali le Noir ait trouvé et châtié le marchand ambulant en lui épargnant la vie, mais en lui coupant la langue, symbole fort du sort qui attend tout délateur, l'acharnement des Français semble redoubler. [...]
[...] Cette amitié retrouvée est symbolisée par l'anticipation du premier verre de raki de Zülfikâr, qui est dorénavant traité comme un adulte par Riza Bey. Les études du garçon durent trois ans, de 1901 à 1904, et se déroulent dans un climat de montée des tensions intercommunautaires, dans une ville qui est l'une des mèches du baril de poudre macédonien (p.71). Les autorités ottomanes n'assurent plus que des fonctions de représentations tandis que le pouvoir est détenu par les consuls étrangers, preuve de l'omniprésence des puissances européennes dans la région, et que les attentats et provocations à l'encontre de la Sublime Porte se multiplient, perpétrés par des militants indépendantistes. [...]
[...] Là encore, Bilisté semble très en retrait du monde extérieur puisqu'en deux ans de conflit, aucun habitant n'a fait l'objet d'un ordre de mobilisation militaire. Le village est constitué de cent vingt foyers, tous musulmans. L'identité religieuse va apparemment de pair avec l'identité ottomane et la loyauté au sultan, même si Bilisté est maintenant albanais. En effet, l'emploi du terme défaite (p.12) lors des dernières guerres balkaniques suppose un parti pris du narrateur, qui se place du côté des villageois. [...]
[...] L'arrivée de canons français, modernes, à Salonique constitue le paroxysme de cette tension. L'on croit tout d'abord que c'est une commande des autorités ottomanes, mais les armes partent sur des trains à destination de la Serbie. Aussi les populations musulmanes peuvent-elles assister, impuissantes, au défilé de ces armes dans leurs campagnes, ces armes qui seront retournées plus tard contre elles. Notons que dans ce contexte de peur, Hikmet Bey est élu maire de la ville de Kaylar, ce qui ne rassure en rien Zülfikâr Bey. [...]
[...] La rupture entre eux se consomme donc peu à peu. Lors de son premier interrogatoire, Zülfikâr se trouve confronté au témoignage plus que douteux d'un homme visiblement torturé, abattu et à bout de force qui tente d'obtenir une remise de peine. Le bey ne tarde pas à le confondre et à faire forte impression sur le juge français, d'autant plus qu'il pratique la langue de l'ennemi, ce qui est fort apprécié par celui-ci. Aussi s'engage assez vite une conversation en bonne intelligence entre le juge et Zülfikâr, d'autant plus que rien de très concret ne peut lui être reproché, faute de preuve, hormis les combats livrés par la bande de Georgi. [...]
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