Dans ce supplément, Diderot se sert habilement du livre du célèbre navigateur pour critiquer la société dite "civilisée" à laquelle appartiennent les explorateurs et Diderot lui-même. Cette caractéristique se retrouve notamment au travers des différents portraits de Bougainville que donnent d'une part A et B dans leur dialogue, et d'autre part dans le discours prononcé par le vieillard.
[...] En tant que lecteur, on se rend compte de la réelle subjectivité dont il a fait preuve, et on en est déçu. Le discours du vieillard, éludé par Bougainville lors de la rédaction de son livre, a été rétabli par Diderot et cela nous aide à découvrir les deux côtés du personnage de l'explorateur, ainsi que ceux du voyage et de ce qui s‘est réellement passé. Grâce à cela, le peuple tahitien s'en trouve glorifié et aide à la critique de la société de Diderot. [...]
[...] Cette vision des indigènes et de leur culture prouve l'ethnocentrisme dont fait preuve Bougainville. Il les qualifie d'ignorants car il les juge par rapport à sa culture. De plus, le lecteur prend pitié de ses indigènes exterminés par les armes et les maladies, n'ayant ressenti aucune haine pour les colonisateurs. En effet, nous pouvons parler de colonisation lorsque l'on étudie le comportement des explorateurs. D'ailleurs, le discours du vieillard est un véritable réquisitoire contre la colonisation et les mœurs des sociétés dites ''évoluées''. [...]
[...] ( ) tu n'es pas esclave, tu souffrirais la mort que de l'être, et tu veux nous asservir ! ( ) (pp.40-41-42). Le vieillard va jusqu'à lui suggérer de garder toutes ses verroteries et ses bijoux de pacotille (donnés en cadeau aux tahitiens lors de leur arrivée) : ( ) ne nous entête ni de tes besoins factices, ni de tes vertus chimériques ( ) tes petits œufs de serpents (verroteries), ( ) (p.43). Grâce à ce vieillard, lui-même philosophe par certains côtés, on apprend que Bougainville n'a pas fait que de bonnes choses lors de ses explorations. [...]
[...] Le discours du vieillard est un élément qui aide à mesurer notre jugement et l'image que l'on se fait de Bougainville grâce à A et B. En effet, le discours à l'adresse de l'explorateur est véhément, agressif et menaçant, mais c'est moins sous l'effet de la colère que sous celui de l'indignation. C'est un véritable blâme que le vieillard lui adresse, ainsi qu'à ses compagnons. Lorsque le vieillard s'adresse à Bougainville et à ses hommes, le ton est proche de l'insulte : ( ) Et toi, chef des brigands ( ) (p.40). [...]
[...] En fait, on découvre que B a lu un livre qui ne raconte que les faits positifs et intéressants du voyage de Bougainville. Ce dernier, on l'imagine, a fait exprès de supprimer ces événements, les lecteurs pouvant être déçus, voire révoltés par ces comportements barbares et ethnocentriques. Le discours du vieillard en est l'illustration. En effet, Diderot l'a intégré dans son supplément pour montrer ce que Bougainville a omis de dévoiler. Pourtant, Bougainville pourrait très bien être ce que A et B en disent. Mais on aurait tendance à favoriser le jugement du vieillard, avant celui de A et B. [...]
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