En 1570, Montaigne se retire dans sa « librairie » (sa bibliothèque) où il s'atèle à l'écriture. Cette « retraite philosophique » lui permettra de donner naissance à un genre nouveau : l'essai. Le terme d'« essai » a différentes acceptions : il signifie « tentative », « épreuve », « expérience » mais aussi « œuvre d'apprenti » et « ébauche ». On définit souvent les Essais de Montaigne comme étant une suite de réflexions personnelles sur des sujets divers. Mais cette définition est lacunaire. Après lecture des Essais de Montaigne, nous tenterons d'élaborer une définition plus complexe de la poétique de l'essai chez Montaigne.
[...] nous dit Montaigne. Il corrobore cette idée dans le chapitre De la Vanité : Moi à cette heure et moi tantôt sommes bien deux. Donc Montaigne clame et justifie la posture changeante de sa pensée et c'est ainsi qu'il peut donner de lui un portrait contradictoire ou affirmer à la fois une chose et son contraire. La pensée de Montaigne est instable car Montaigne l'expérimente, la met à l'épreuve. Une écriture de l'expérimentation Une expérimentation des sujets les plus divers Le titre de son œuvre revêt un caractère expérimental : une expérience, une mise à l'épreuve, une tentative. [...]
[...] Après lecture des Essais de Montaigne, nous tenterons d'élaborer une définition plus complexe de la poétique de l'essai chez Montaigne. Du moi personnel au moi universel Une peinture du moi Dès l'avis au lecteur, Montaigne affirme : C'est moi que je peins ( ) je suis moi-même la matière de mon livre Montaigne a le projet de se peindre (d'offrir son portrait à ses lecteurs occurrents) mais aussi de se présenter soi-même à soi. Ainsi, dans le chapitre Sur des vers de Virgile Montaigne dit : Je me dois de donner au public mon portrait complet et affirme : Tout le monde me reconnaît dans mon livre et mon livre se reconnaît en moi. [...]
[...] Il y a une sorte d'universalité du moi chez Montaigne. Le lecteur peut facilement se reconnaître en Montaigne puisque chaque homme porte la forme entière de l'humaine condition (Du repentir). Ainsi dans l'écriture de Montaigne, de nombreux présents sont à lire de façon gnomique (présents de vérité générale). Montaigne oscille entre autoportrait et portrait de l'Homme. Cette vacillation s'inscrit bien dans le mouvement de Montaigne. Montaigne en mouvement (Starobinski) Une écriture mouvante L'écriture de Montaigne est une écriture de la rupture : celle-ci est fragmentée, discontinue. [...]
[...] Il n'a d'ailleurs de cesse d'évoquer les mœurs de son temps. Exemple parmi tant d'autres : Nos contemporains appellent jugement ce qui n'est que langage, et bons mots les richesses d'esprit. (Sur des vers de Virgile). Ainsi, à le lecture des Essais, nous trouvons fréquemment des expressions telles que : de nos jours en ce siècle en ce temps chez nous notre époque de mon temps Le contexte historique dans lequel vit Montaigne est également très présent (pour ne pas dire omniprésent). [...]
[...] Conclusion Les Essais de Montaigne apparaissent comme une entreprise originale et sincère. Montaigne vacille entre autoportrait et portrait de l'humanité. Dans tous les cas, le portrait y est inachevé et changeant et va ainsi de pair avec le mouvement de son écriture et de sa pensée. Montaigne inaugure une écriture de l'expérimentation en s'essayant aux sujets les plus divers. Son écriture même s'essaie se met à l'épreuve, se créée en s'écrivant. Ses Essais semblent enfin se définir comme une ébauche : son écriture, sa pensée, son analyse restent inachevées, interminables et surtout indissociables du mouvement de l'existence car le monde est une branloire pérenne (Du Repentir). [...]
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