Daniel Lindenberg est historien des idées, professeur de sciences politiques à l'université de Paris VIII et conseiller à la direction de la revue Esprit. Il est l'auteur du Marxisme introuvable, des Années souterraines 1937-1947 et de Figures d'Israël.
En décembre 2002, il publie Le rappel à l'ordre, enquête sur les nouveaux réactionnaires. Or le 21 avril 2002, Lionel Jospin est évincé, Jean-Marie Le Pen est au second tour des élections présidentielles. Cet événement marque une volonté de retour aux valeurs traditionnelles d'ordre, d'autorité, mais il indique également une méfiance à l'égard de la démocratie et de l'Etat de droit. Ce retour touche aussi les élites, ce sont elles que Daniel Lindenberg qualifie de nouveaux réactionnaires. Ces derniers ne forment pas encore un mouvement structuré et conscient ce qui ne les a pourtant pas empêchés d'accorder à l'ouvrage un accueil plus que défavorable. En effet, l'ouvrage, dès sa parution, a suscité une vive polémique : Le Monde, Libération et Le Nouvel Observateur en ont fait une promotion abondante, tandis que Le Figaro, Marianne et L'Express empilaient les réfutations - révélant par-là même un paysage intellectuel clivé. D. Lindenberg a été accusé de prôner le politiquement correct voire une censure de l'esprit critique contraire à l'esprit des Lumières (débat d'actualité s'il en est...) Une réponse collective a été rédigée : le "Manifeste pour une pensée libre", signé par Alain Finkielkraut, Marcel Gauchet, Pierre Manent, Philippe Muray, Pierre-André Taguieff, Shmuel Trigano et Paul Yonnet dans L'Express, 28 novembre 2002 . Nous pourrons ainsi nous demander si Le rappel à l'ordre mérite le qualificatif de pamphlet ou d'essai.
Le but de l'auteur est de comprendre les tenants et les aboutissants de ce mouvement néo-réactionnaire dans une perspective critique. L'ouvrage est, ainsi, organisé en trois parties :
I) Les "antipathies communes" aux nouveaux réactionnaires, leur goût pour la provocation et la transgression systématique des tabous.
II) Genèse intellectuelle des nouveaux réactionnaires, quels cheminements idéologiques ont permis l'éclosion d'une telle vague intellectuelle ?
III) Un nouveau jugement de la démocratie (...)
[...] Les années 1930 sont ainsi celles du non conformisme où l'existence de réactionnaires est possible mais ils sont marginalisés après 1945 et réapparaissent dans les Golden Sixties. L'auteur souligne alors l'existence de constantes dans l'histoire des idées et de l'art : Houellebecq et Dantec sont peut-être de nouveaux Céline ou Huysmans et la musique rock une descendante du wagnérisme (audacieux Dans les trois derniers chapitres de cette deuxième partie, l'auteur souhaite appréhender les mécanismes de changements de bord politique, avec un point central : comment s'opère le passage de gauche à droite plus précisément de gauche athée à droite catholique Il mentionne, en premier lieu, l'incroyable ascendant de Carl Schmitt (théoricien politique catholique)[7] sur les néo-réactionnaires. [...]
[...] Daniel Lindenberg adopte tout au long de l'ouvrage une vision critique qui bien qu'elle tente une réflexion en profondeur se trouve altérée par sa concision. En effet, l'on peut, peut-être, reprocher à l'ouvrage sa brièveté qui donne parfois l'impression d'une simple liste de noms sans véritable argumentation. Se satisfaisant d'un agrégat de citations, l'auteur se place donc davantage dans la veine du pamphlet que de l'essai. L'argumentaire apparaît de même desservi par l'association d'auteurs qui n'ont que peu de points communs, tel Michel Houellebecq et Marcel Gauchet, ce qui conduit le lecteur à la suspicion et à l'exercice de ce que Daniel Lindenberg reproche aux nouveaux réactionnaires à savoir l'esprit critique. [...]
[...] Il met en cause l'éternelle trahison des clercs qui souvent conduit les intellectuels à un culte du style, faisant primer la forme sur le fond et l'effet sur les faits (à croire que l'auteur n'y est pas insensible ) De même, l'auteur souligne que depuis la chute du communisme la pensée politique se dévitalise, les intellectuels cherchent donc des chemins nouveaux car mieux vaut un désastre qu'un désêtre.» Enfin, certains néoréactionnaires seraient encore imprégnés de marxisme comme Houellebecq, Muray ou Beigbeder dans leur dénonciation de l'aliénation du consommateur, ou, Finkielkraut qualifié de Podhoretz français chez qui, ce n'est plus le prolétariat dont on attend la victoire mais la culture dont on déplore la défaite. L'auteur construit, ensuite, une explication historique comparative et analogique. [...]
[...] Anderson, marquée du sceau de la lâcheté intellectuelle et du politiquement correct. Référence significative : Flaubert était incontestablement réactionnaire. Sartre le rend responsable en un sens de la répression sanglante de la Commune. Le portrait, il est vrai, du peuple qu'il trace dans l'Education Sentimentale, témoigne d'un véritable mépris (la masse ne pense pas, ou mal) Attention à ne pas céder à l'amalgame, sui est un peu le défaut du livre de Lindenberg : Manent est un libéral pessimiste, qui prône un retour à Tocqueville, sur lequel il a longuement travaillé ; Badiou est un maoïste historique en partie revenu de ses convictions, mais resté gauchiste. [...]
[...] Il légitime ainsi la position radicalisée de certains intellectuels, qui forcent à dessein le trait, selon le principe qui n'est pas avec moi est contre moi La plupart de ceux là ont en commun de se fonder sur De la démocratie en Amérique de Tocqueville, dénonçant entre autres l'espèce d'oppression dont sont affligés les peuples démocratiques ; pour Tocqueville, la démocratie est enracinée dans l'idée d'égalité, qui aboutit non seulement à la surveillance de tous par tous, mais aussi à une médiocrisation des hommes (démocratie : médiocratie, si l'on veut), en conduisant à la réduction drastique puis à la disparition des idéaux et valeurs, au profit d'une sorte de mécanisme d'envie/jalousie généralisée, qui ferait perdre tout sens de l'honneur, de la vertu et du collectif chacun ne pensant qu'à soi (c'est en tout cas la lecture de Manent). Idée que l'Europe est sortie de l'histoire, qu'elle s'endort dans une douce torpeur efféminée (sic). [...]
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