Alain Ehrenberg, l'auteur du livre Le culte de la performance, est sociologue. Il est directeur du groupement de recherche Psychotropes, Politique et Société du CNRS-INSERM, à l?université Paris Descartes. Il a travaillé de manière générale sur l'histoire et l'anthropologie de l'individualisme contemporain. Il est membre du comité de rédaction de la revue Esprit.
Il a publié plusieurs ouvrages dont L'Individu incertain, où Ehrenberg présente un individu amené à assumer des responsabilités croissantes puisque la politique semble perdre son monopole de prise en charge collective des destins individuels, la vie privée n'est plus structurée par des règles établies, l'estime de soi et la disponibilité à autrui deviennent des atouts majeurs; dans ce livre Ehrenberg explique que la restauration du sentiment de soi que procure le psychotrope et la mise en scène de soi qu'amplifie la télé, sont révélatrices des tensions de nos sociétés, écartelées entre la conquête et la souffrance. L'autre ouvrage central de l'oeuvre d'Ehrenberg et qui s'insère dans une sorte de trilogie avec Le culte de la performance et L'individu incertain est La fatigue d'être soi : dépression et société. Dans cet ouvrage, Ehrenberg expose la plupart des difficultés rencontrées dans la vie quotidienne et qui sont assimilées à la dépression : fatigue, inhibition, anxiété, insomnie, indécision (...)
[...] Elle aboutit à l'idée que la performance est la justice. Comme nous l'avons vu avec la théorie de la justice de Rawls, la conception de la justice et la lutte contre les inégalités n'est pas la même que celle proposée par la performance. Ainsi, comme l'explique Ehrenberg, la sensibilité égalitaire s'inscrit dans une configuration historique mouvante Les inégalités sociales et économiques furent prises en compte avec l'émergence de l'école républicaine et les assurances sociales, l'école républicaine se devait ainsi de constituer le lieu d'une sélection sociale fondée sur le mérite de chacun en limitant les privilèges de naissance, comme nous l'avons vu ci-dessus. [...]
[...] Le sport permet de montrer que n'importe qui peut devenir quelqu'un, et peu importe son sexe, sa race, sa classe, ou son handicap de départ dans la vie, le sport permet de s'émanciper du poids des origines, de la filiation, les déterminations sociales ne jouent plus. Il permet de résoudre le dilemme dont nous parlions dans la présentation, il permet de résoudre le tension entre égalité de principe des hommes et leur inégalité de fait sans la rendre contradictoire. Le sport met en scène un jeu où la justice est le produit de la concurrence et les inégalités, le résultat de l'affrontement entre égaux, c'est-à-dire un rapport social idéal. [...]
[...] De plus, ces années 1970 ont vu le renversement de certaines valeurs: le sens du devoir, la discipline, l'obéissance au profit d'autres, qui mettent au centre l'individu l'autonomie, l'initiative personnelle. L'épanouissement personnel met au centre des préoccupations la vie psychique, l'intime, il faut d'ailleurs noter à cet égard l'essor de l'intérêt pour la psychanalyse. On assiste même à une politisation de ces questions, qui entrent dans l'agenda politique. L'appropriation de soi se traduit par des réformes et des politiques: la loi sur l'avortement ou le divorce en sont des exemples. [...]
[...] L'incidence de la performance dans les modes de gestion privée et publique Le culte de la performance a pris une telle ampleur que désormais, celle-ci se réalise pleinement dans les modes de gestion privée et publique, c'est-à-dire dans l'entreprise et même dans l'administration et les services publics, ce qui montre à quel point la performance s'est infiltrée dans tous les domaines de nos sociétés et comment elle régit un ensemble nouveau de règles de direction et de gestion, obéissant à une logique spécifique dont l'étude fera l'objet de cette partie. Selon Alain Ehrenberg, nos sociétés, érigeant en figures emblématiques auxquelles on s'identifie le champion sportif et le chef d'entreprise, sont des sociétés converties au culte de la performance. Avec le stade qu'elle prend souvent comme référence, l'entreprise incarne la norme de la concurrence poussée à l'extrême: l'essentiel est de faire toujours plus. [...]
[...] Partie : Dans quelle mesure la performance s'est-elle intégrée dans tous les domaines de notre société ? En quoi constitue-t-elle un nouveau credo ? Ainsi, selon Ehrenberg et d'autres auteurs contemporains, la performance semble être devenue le nouveau mot d'ordre des sociétés occidentales, qui s'insinue dans tous les aspects de notre vie sociale ou même personnelle. On a pu ainsi dire que la performance était notre nouveau contrat social, reprenant ainsi la théorie de philosophie politique, selon laquelle l'autorité politique dérive d'une convention originaire par laquelle les hommes renoncent à la totalité ou à une partie de leurs droits naturels en échange d'une sécurité, d'une liberté garantie par la loi, la performance étant alors la base idéologique de ce nouveau contrat, et mettant en œuvre de nouveaux concepts d'égalité et de liberté, comme nous l'avons vu. [...]
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