« Le théâtre rend la vertu aimable… Il opère un prodige de faire ce que la nature et la raison font avant lui » écrit ironiquement Jean-Jacques Rousseau dans la Lettre à d'Alembert, écrite en 1758, en réponse à l'article « Genève » du tome 7 de l'Encyclopédie, rédigé par d'Alembert en 1757. Le rédacteur de l'article déplore l'absence de théâtre à Genève qui est interdit depuis une ordonnance de 1617; or, Rousseau est heureux de cette absence car, pour lui, le théâtre augmente le degré de corruption de la société même si l'homme naît bon naturellement.
Les thèmes de corruption et de valeur morale sont au cœur de l'œuvre de Rousseau et de la réflexion de Paul Bénichou dans l'article Réflexion sur l'idée de nature chez Rousseau à propos de la Lettre à d'Alembert, qui précise que « le modèle d'humanité qui nous est proposé oscille entre une vertu abrupte et un heureux abandon du sentiment naturel, entre les degrés le plus tendu et le plus détendu de l'existence morale. Ainsi, deux sortes de prédication tendent au même objet : l'une s'indigne, se monte, se sépare, l'autre appelle l'enthousiasme, le charme, la communication ». Pour Paul Bénichou, « le modèle de l'humanité » de Rousseau est partagé entre des règles rigoureuses, vertueuses qui sont innées et, en même temps, par la perte de ses règles naturelles. L'instrument qui opère ce décalage est favorisé par le théâtre qui est peint d'une façon répulsive (« s'indigne »), mais également attractive (« enthousiasme »), et dangereuse (« charme »).
Ainsi, est-ce que le théâtre a le pouvoir de corrompre l'homme et d'accroître la perversité de l'humanité ? Afin de faire toute la lumière sur cette question, il est nécessaire de s'interroger sur le fait que le théâtre détourne l'homme du bien, mais également sur le mode de vie préconisé par Rousseau et, enfin, sur les dangereux sentiments que le théâtre suscite.
[...] Le relâchement du travail est le premier dans la mesure où les hommes devront abandonner leur tache quelques heures par jour pour se rendre à la représentation théâtrale. Ainsi, ce spectacle détourne l'homme de sa nature car il l'interrompt dans une activité indispensable à son être. Ce fait aura pour conséquence économique une diminution du débit une moindre production qui fera augmenter les prix. Les deux autres préjudices sont l'augmentation des dépenses car l'entrée au théâtre est payante et l'introduction du luxe car les spectateurs feront de nouveaux achats vestimentaires. [...]
[...] Ainsi, le mode de vie préconisé par Rousseau est régressif, contraire aux valeurs et pensées fournies par le théâtre. Une société vertueuse est une société ordonnée, hiérarchisée selon les sexes et les classes sociales. Pour lutter contre un éclatement du corps civique vertueux, rousseau propose avec enthousiasme le retour aux spectacles, divertissements de sa jeunesse. Le pouvoir politique doit les organiser pour préserver l'ordre, les spectacles deviennent donc civiques. Quoi ! Ne faut-il donc aucun spectacle dans une république ? [...]
[...] Les mauvais tours que joue un valet à son maître font rire, les adultères applaudis Selon Rousseau, le théâtre brise une hiérarchie naturelle. Les représentations théâtrales bouleversent l'ordre social car dans nos pièces tragiques et comiques, l'ascendant aux femmes sur les hommes, le donne encore aux jeunes gens sur les vieillards, et c'est un autre renversement des rapports naturels 100). Le théâtre démantèle les rapports innés entre les deux sexes, les pères et les enfants, les personnes âgées sur les jeunes. [...]
[...] Ces bals ont un but civique dans la mesure où ils créent des mariages qui assureront la continuité de la société avec la naissance de futur citoyen. Le plaisir doit être encadré par une rigueur morale que le théâtre ne donne pas. Rousseau prône également le système des cercles exclusifs à Genève ou ces amusements ont quelques choses de simple et d'innocent qui convient à des mœurs républicaines car les hommes et les femmes sont séparés. En outre, les hommes discutent de problèmes philosophiques et entretiennent leur condition physique, selon le model spartiate, pendant que les femmes s'adonnent à des conversations légères un intarissable babil Ainsi, un peuple vertueux trouve des amusements sains qui les uniront car ils mettront en évidence la place de chacun dans le corps civique. [...]
[...] La société n'est plus hiérarchisée, elle est désordre Cette vision d'une société qui sépare le corps social en classe est antagoniste aux théories des philosophes du siècle des Lumières qui se battent pour une société égalitaire. Rousseau prône une communauté d'hommes ou chacun doit être à sa place. Pour lui, les femmes vertueuses sont celles qui ont une vie domestique et retirée elles ne doivent pas s'initier à la vie intellectuelle, réservée aux hommes, ou même à entretenir une vie mondaine dans les salons parmi les hommes. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture