Résumé et analyse du roman Cris de Laurent Gaudé, décrivant la guerre des tranchées et le vécu des soldats entre la terre et le feu.
[...] Mais s'ils parlent de la mort, de la peur, de la souffrance, alors ils sont chassés, considérés comme des déserteurs, comme si les hommes et les femmes de l'arrière ne pouvaient supporter cette image du front qu'on leur renvoie, comme si les soldats devaient mourir en silence, pour eux mais sans jamais en faire connaître le prix. Une frontière sépare les civils des combattants, les premiers refusant de voir l'usure, pour se rassurer peut-être, pour s'éloigner de la guerre et du paroxysme de la destruction qu'elle porte en elle. Un paroxysme La guerre bouleverse les codes sociaux et moraux. Tuer devient une nécessité vitale. Le passage de l'interdit absolu à l'obligation ne va toutefois pas de soi. [...]
[...] Les cris sont une expression, réduite et d'autant plus intense, de ces pensées et de l'humain confronté à une situation qui le dépasse et l'anéantit. Ils sont le cri de guerre, qui galvanise les combattants et les précipite les uns contre les autres, mais aussi la peur, la douleur, la folie et la mort omniprésentes, encore une trace de vie avant qu'elle ne s'échappe dans un dernier soupir. Cris s'inscrit entre l'incantation, le tragique et l'épopée, entre l'horreur du réel et une forme de fantastique, avec une densité et un humanisme qui ne laissent pas indemne. Cris dans l'œuvre de Laurent Gaudé. [...]
[...] Marius n'aura cette révélation que plus tard, trop tard pour lui. Il part à la recherche du fou et Boris le suit, sans plus se poser de question, par fraternité peut-être ou par habitude, par peur aussi de perdre son ami, son ultime repère. Boris perd la vie et Marius la raison car ils ont suivi leur chemin, sans jamais bifurquer. C'est également le choix de Jules, hanté par les voix des morts, qui va de route en route leur rendre hommage, en parlant d'abord puis, rejeté à coups de pierres, en dressant sur son trajet des golems, statues de boue hurlantes, qui représentent sans doute le mieux l'enfer de cette guerre des tranchées et des hommes termites qui y meurent engloutis. [...]
[...] La destruction se poursuit, alimentée sans cesse par de nouveaux contingents de combattants, qui ne sont bientôt plus, pour beaucoup, que des lambeaux de chair impossibles à identifier. L'anéantissement va alors au-delà de la mort car il n'y aura pas de corps rendu à la famille, pas de deuil, simplement l'inconnue d'une disparition. La boue engloutira ce qui subsiste. Pour chacun, il convient toutefois d'aller jusqu'au bout. C'est ce qui motive Marius à partir sur le front à la recherche du fou qui hurle chaque jour l'horreur de la guerre, sa peur, sa folie, la douleur des morts. [...]
[...] Ils sont hagards, épuisés, amaigris, hallucinés, sourds. Ils ont connus le feu et la pluie, savent combien toute protection est illusoire contre l'un ou l'autre. Ils ont vu le sang, leurs camarades tomber. Ils sont des vieillards de mille ans, courbés. Cette usure ne saurait être comprise de la relève. Ceux qui reviennent refusent de regarder ceux qui sont condamnés, sans le savoir encore. Ils concentrent leur dernière énergie à marcher, à rester dignes, à rester des hommes malgré la boue et la saleté. [...]
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