Jean-Marie Domenach ouvre son livre par une introduction volontairement provocatrice et qui annonce immédiatement les enjeux de son essai : en accord avec la quatrième de couverture qui déclare que « le nombre de titres augmente, l'ennui des lecteurs également », l'auteur se fixe comme objectif de déterminer pourquoi la littérature française actuelle est devenue si monotone et pourquoi les romans publiés aujourd'hui n'ont rien d'innovant. En six chapitres aux noms relativement énigmatiques (« Enquête sur un mort-vivant »), il se propose d'étudier les méfaits du système médiatique et éditorial moderne, puis de revenir sur les différences essentielles entre le roman d'autrefois et la littérature actuelle ; tout en créant des parallèles avec d'autres arts tels que le cinéma ou la télévision, il met au jour les difficultés du roman aujourd'hui, nées de l'évolution des mœurs et des personnalités, avant de revenir sur les grandes tendances des romanciers contemporains, les lieux communs et la perte d'imagination des auteurs. Tout cela à travers des sous-chapitres aux titres clairement irrespectueux et impertinents, comme « le triomphe du kitsch » ou « auteur voyeur ».
[...] Domenach s'élève très clairement contre une littérature dépouillée de la sorte, un roman qui évacuerait le psychologique En effet, on peut constater la forte tendance actuelle à dévaloriser les romans qui mettent en avant la psychologie du personnage, comme s'il s'agissait là d'une littérature facile, accessible à n'importe qui, relativement populaire et qui n'aurait donc pas d'intérêt. C'est pourtant une littérature que réhabilite Domenach, bien que l'on puisse se demander quel plus grand intérêt il y trouve que dans les autres romans. [...]
[...] Seul le roman américain, désormais, a ce pouvoir de faire ressurgir une imagination collective et de donner l'illusion du réel. L'auteur conclue donc son ouvrage de façon plutôt négative, en insistant sur le nombrilisme des écrivains obsédés par la mort et réservant leur littérature à une élite, dans des romans où la langue française s'étiole et où la décréation (Péguy) est reine. Il faudrait donc, pour remédier à cela un crépuscule du matin selon l'expression de Baudelaire, c'est-à-dire une aube culturelle et artistique nouvelle. [...]
[...] La grande originalité de cet ouvrage réside dans la virulence et la férocité de la plume de Domenach. Celui-ci a en effet recours à une argumentation percutante, à la fois par son humour et par sa réflexion très imagée, augmentée de nombreuses métaphores qui la rendent claire et concise. Mais cet humour n'occulte pas des connaissances précises et une documentation rigoureuse. L'on voit bien ici que l'on a à faire à un homme d'esprit, très versé dans les domaines littéraires et qui parle d'un sujet qu'il maîtrise et connaît bien, puisqu'il en est au cœur. [...]
[...] Tout cela à travers des sous-chapitres aux titres clairement irrespectueux et impertinents, comme le triomphe du kitsch ou auteur voyeur Domenach commence donc par soulever le problème du tapage médiatique qui accompagne inévitablement les auteurs à la mode et qui empêche toute émergence d'un écrivain connu, puisque les critiques littéraires et journalistes s'en tiennent à vanter leurs chouchous et restent enfermés dans une vision étroite de la littérature, ne souffrant aucune remarque contradictoire, puisque la critique n'est pas critiquable Ce système, qui fonctionne à grands renforts de prix littéraires et d'effets de mode, n'admet pas d'incursions en son sein et demeure pourtant la seule façon de se faire connaître au public. Cela tend à l'industrialisation des livres plutôt qu'à un artisanat, et à une uniformisation de la littérature, qui doit alors se conformer à des règles et à une certaine idéologie, celle d'un antihumanisme, luttant contre le personnage et favorisant l'anormal et l'énigmatique. L'auteur s'interroge ensuite sur l'immortalité du roman et sa capacité à s'adapter à son époque. [...]
[...] Cependant, une chose est à noter : bien que ce livre ait été écrit il y a maintenant plus de dix ans, les questions qu'il soulève restent d'actualité, car la production littéraire n'a guère changé depuis, ce qui tend une nouvelle fois à prouver que les romanciers n'innovent plus et restent enfermés dans des modèles antérieurs et des concepts stéréotypés. Bibliographie : BADRÉ, Frédéric. L'avenir de la littérature (Gallimard, 2003) BLANCKEMAN, Bruno. Les Fictions singulières (Prétexte, 2002) Collectif. Le Roman français aujourd'hui, transformations, perceptions, mythologies (Prétexte, 2004) BRUNEL, Pierre. [...]
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