Dans son essai publié en 1971, La conscience critique, Georges Poulet ne fournit pas à ses lecteurs une critique d'œuvres comme dans la plupart des ouvrages de ce type, mais il critique la critique. En effet, ce membre de l'Ecole de Genève s'attache à analyser les méthodes de la critique littéraire française contemporaine. Pour ce faire, après une brève introduction dans laquelle il fait part de ses convictions, il instaure, dans une première partie, une présentation réflexive de dix-huit critiques qui sont respectivement Madame de Staël, Charles Baudelaire, Marcel Proust, Albert Thibaudet, Jacques Rivière, Ramon Fernandez, Charles Du Bos, Marcel Raymond, Albert Béguin, Jean Rousset, Gaëtan Picon, Georges Blin, Gaston Bachelard, Jean-Pierre Richard, Maurice Blanchot, Jean Starobinski, Jean-Paul Sartre et Roland Barthes.
L'œuvre s'achève sur une seconde partie, plus théorique, où il expose son travail de manière détaillée grâce à deux sous-parties intitulées « Phénoménologie de la conscience critique » et « Conscience de soi et conscience d'autrui ». Sa démarche quant aux critiques dont il présente les méthodes est dialectique: il met en évidence le bienfondé d'une démarche chez les uns et il réfute les méthodes d'approche des autres. Cette addition de remarques concernant divers spécialistes permet peu à peu de cerner la propre vision de Georges Poulet. Il ne procède donc pas sous forme d'exposition d'une thèse mais c'est bien dans ses analyses qu'il faut déceler ses arguments.
[...] C'est sans doute pour cela que les modèles de Georges Poulet demeurent Madame de Staël, Baudelaire ou encore Proust. La synthèse de ces exigences semble se trouver dans la phrase liminaire de La conscience critique : L'acte de lire (auquel se ramène toute vraie pensée critique) implique la coïncidence de deux consciences : celle d'un lecteur et celle d'un auteur. Pour bien critiquer une œuvre, il faut d'abord accepter d'être l'hôte de l'esprit qui l'habite, un hôte bienveillant et compréhensif tout en conservant un jugement objectif. [...]
[...] Peut-être accepte-t-il comme une obligation cette vision subjective de la littérature et cherche-t-il alors à en tirer le meilleur parti. Cette distinction entre sujet et objet est particulièrement complexe puisque l'œuvre littéraire est certes un objet, mais un objet dans lequel une subjectivité s'est tant investie qu'il est impossible de l'ignorer. La conscience critique se ferme sur un dernier témoignage de modestie. Georges Poulet montre, en faisant référence à Montaigne, que le critique, bien qu'il s'investisse totalement dans son travail, ne peut pas réussir seul. [...]
[...] Le critique doit également effectuer un travail de reconstitution du sens. Celui-ci est livré de manière parcellaire dans l'œuvre de l'écrivain et c'est au critique qu'incombe la tâche de le restituer en faisant un effort de synthèse. Le critique doit arriver à une similarité au moins potentielle entre l'être qu' est et l'être qu' admire (Id., p. 17). Cela suppose que pour critiquer il faut d'abord comprendre et Poulet, grâce à deux exemples développés, ceux de Madame de Staël et de Charles Baudelaire, semble énoncer un principe que l'on pourrait qualifier de bon sens En effet, on ne peut se permettre de critiquer ce que l'on n'a pas compris. [...]
[...] La démarche critique désirée par Poulet apparaît donc, au fil de La conscience critique, comme devant être la plus complète possible. Cependant, il ne faut pas à l'inverse que cette volonté de l'inscription de l'œuvre dans son contexte se transforme en analyse du contexte où l'œuvre est oubliée. Poulet reproche à Thibaudet d'être tombé dans cet excès inverse en se hât[ant] de la considérer non plus en elle- même, mais dans son accord ou son désaccord avec un milieu ou un genre De même, Jacques Rivière ne parvient pas à communier réellement avec l'œuvre qu'il lit et son acte critique se résume alors à un mouvement incertain de l'esprit vers un objet qui lui reste caché (Id., p. [...]
[...] Cette addition de remarques concernant divers spécialistes permet peu à peu de cerner la propre vision de Georges Poulet. Il ne procède donc pas sous forme d'exposition d'une thèse, mais c'est bien dans ses analyses qu'il faut déceler ses arguments. Nous nous attacherons donc dans un premier temps à définir ses positions puis, dans un deuxième temps, à résumer ses arguments et enfin, dans un troisième temps, à rapporter ses conclusions par rapport à la méthode critique qu'il souhaite appliquer. [...]
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