C'est en 1895 que Paul Claudel rédige les premiers poèmes de Connaissance de l'Est, alors qu'il séjourne en Chine, à Shanghai. Cela dure jusqu'en 1900, date à laquelle il publie au Mercure de France la première partie de Connaissance de l'Est. Il compose finalement entre 1902 et 1905 les derniers poèmes du recueil, alors qu'il est retourné en Chine. Le recueil composé des deux parties actuelles sera publié en 1907. En 1928, c'est-à-dire trente-trois ans après avoir écrit les premières parties du recueil, l'auteur y ajoutera un poème en forme de préface composé en 1927, « Hong-Kong ».
Composé de poèmes en proses écrits à des dates différentes, principalement rangés par ordre chronologique, ce recueil apparaît donc comme une succession de petits textes dessinant une personnalité constante, mais aussi un cheminement, une évolution. Celle-ci étant attendue ; compte tenu de l'attachement et du bouleversement que Claudel montre dans ses poèmes, ces voyages ne peuvent que le bouleverser.
[...] Claudel alors, irrationnel même si le passage à l'écriture de ce qui n'est que sensation introduit nécessairement un retour réflexif et donc une rationalisation semble ne plus parler de lui mais d'une sorte d'autre qui l'habiterait. Par rapport à l'autre, Claudel semble évoluer seul. Il n'y a aucune trace d'une quelconque discussion dans le recueil. C'est ainsi que l'auteur se distingue toujours du monde qui l'entoure, il ne fait jamais réellement corps avec lui. Sauf peut-être dans les descriptions mystiques précédemment évoquées, mais alors il s'agit d'une union avec l'Idée, avec l'Univers. En aucun cas avec le pays visité. On a l'impression que Paul Claudel n'entre en interaction qu'avec l'essence de son environnement. [...]
[...] Et c'est d'ailleurs là que réside l'essentiel de la différence entre ce recueil et le reste de l'œuvre de Claudel mis à part certaines autres œuvres comme L'Oiseau noir dans le soleil levant ; il ne s'agit pas d'une œuvre militante ou même affirmée, il s'agit au contraire d'une œuvre miroir d'un esprit qui se cherche, qui s'aventure hors des sentiers battus de la raison occidentale. [...]
[...] De même parallèlement, le lecteur peut, à degré moindre, ressentir ce que ressent Claudel. Le lire, c'est se poser la question de sa destinée, c'est tomber dans des abîmes de perception. Au-delà de la forme : quelle vision de la poésie et du poète est-elle développée ici ? Une poésie du déséquilibre LA POÉSIE DE CLAUDEL, CONTRAIREMENT À CE QUE POURRAIT LAISSER CROIRE UNE PREMIÈRE APPROCHE DE L' OEUVRE, NOTAMMENT PAR SES ÉCRITS TRÈS RELIGIEUX DANS LE SENS TRADITIONNEL ET EUROPÉEN–, EST RÉSOLUMENT UNE POÉSIE DU DÉSÉQUILIBRE, DE LA TENSION. [...]
[...] Ainsi dans une lecture cherchant à débusquer l'âme de l'auteur, le recueil de Claudel révèle une personnalité multiple et contradictoire. La magie de l'Orient semble opérer sur lui un effet troublant de révolution des normes par une expérience mystique tendant d'ailleurs vers une certaine intégration des conceptions orientales. La poésie révèle alors un trouble de l'âme créateur d'une atmosphère hallucinée et inquiète, malgré le cadre à première vue assuré d'un homme visitant un pays, partant découvrir ses richesses. Claudel et lui-même, Claudel et l'autre PAR LA FAÇON DONT IL SE DÉPEINT, ON PEUT APPRÉHENDER L'IMAGE QUE CLAUDEL A DE LUI-MÊME. [...]
[...] Il est aussi possible de s'attacher à contempler un style, une écriture, un vocabulaire. C'est percevoir le savoir-faire mis en œuvre pour faire toucher l'indicible, l'invisible, l'intemporel. Le lecteur peut aussi être pris par le texte. Il s'évade alors. Dépassant le niveau du livre, puis de l'œuvre en général, puis de Claudel lui-même, il accède à la perception du sens réel des poèmes. Il perçoit ce sens, le comprend, car derrière les simples mots se cachent un ou des sens, livrés plus ou moins consciemment par Claudel. [...]
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