Chrétien de Troyes ne peut avoir lu l'Odyssée puisque ce manuscrit n'est réapparu qu'en 1353, soit deux siècles après la mort de l'auteur champenois. Malgré que ce clerc connaissait le Grec il n'a probablement jamais posé les yeux sur l'Odyssée.
On pourrait objecter que certains traits d'Ulysse aient imprégnés Chrétien par l'intermédiaire de l'Enéide ou de l'Énéas mais cela nous semble abusif dans la mesure où Chrétien a fait le choix de la matière de Bretagne.
Nous pensons que dans le cas du Conte du Graal cette seule influence emploie déjà largement son imaginaire. Nous pouvons dès lors conclure que la confrontation des oeuvres ne pourra pas faire émerger le mythe d'Ulysse dans celui de Perceval.
Pas de stricte intertextualité mythique mais, par contre, nous pourrons pister de nombreux thèmes communs aux deux oeuvres et communs à un certain genre (archétypal) mythique. Les deux ouvrages partagent en effet le topos de l'errance, ils désignent notre place dans le monde et ont une dimension exemplaire puissante (...)
[...] L'homo religiosus se retrouve bien dans le monde d'Ulysse où le héros sait sa place dans le cosmos et connaît le rapport avec l'au-delà, les dieux sont d'ailleurs mêlés à son monde. Dans le Conte du Graal, la religion chrétienne est mélangée avec son contraire : le mythe païen. Le mythe païen d'origine celtique implique que l'apparition du surnaturel ne laisse place que pour le silence. Inversement le rapport aux dieux est codifié dans le monde grec, la tradition veut que l'on accueille le voyageur, pas parce qu'on est un prud'homme, mais car ce voyageur peut être un Dieu. [...]
[...] Mais bien que le héros s'adapte pas un seul vers du récit ne signale un changement de la nature profonde du héros. Comment dès lors concilier cette économie entre changement et stabilité si ce n'est en postulant la nature kaléidoscopique du héros dont l'identité est plurielle. Contrairement à Perceval, Ulysse ne vainc jamais de la même manière, rien de comparable entre sa victoire sur Polyphème et celle sur les Sirènes. Rien si ce n'est cette formidable ruse qui lui souffle à l'oreille d'emporter son outre de vin ou de se faire attacher au mât. [...]
[...] Mais la grande faute de Perceval est d'oublier son chemin. Car, après l'épisode manqué du château du Graal, il constate que les terres deviennent gastes par sa faute, dès lors il souffre de son erreur. Son aventure, son but, sont en péril. Connaître son chemin et le suivre c'est être en initiation. Perdre son chemin c'est risquer de manquer son initiation, de ne pas arriver à maturité. Chrétien nous a laissé Perceval en pleine initiation, ce dernier venait à peine de découvrir la religion chrétienne, la vérité sur sa famille et l'hostie du Graal. [...]
[...] Le Rider remarque d'ailleurs qu'en dehors des leçons portant sur l'éducation chevaleresque, n'émerge rien d'autre que des leçons venant de la sagesse et du conte populaire[23]. Le conte du graal participe au roman éducatif. Dès lors qu'il participe au roman éducatif on conçoit plus facilement que le héros connaisse une progression, il vise un télos. Bien que ce but varie il reste clair au lecteur. Perceval commence par désirer une humanité, cette humanité qu'il obtient en devenant chevalier de la cour du roi Arthur n'est pourtant qu'une première étape. [...]
[...] 17-18. ENTANACLAZ. Les Métamorphoses d'Ulysse, Réécritures de l'Odyssée, GF Flammarion, Etonnants Classiques Paris p GENETTE. Palimpsestes. La littérature au second degré, Seuil, Poétique réed. Points-Essais p 246-247. LAFFONT R., BOMPIANI V., Le nouveau dictionnaire des œuvres de tous les temps et de tous les pays (auteurs nés avant 1900), Paris, Robert- Laffont, Bouquins J-M FRITZ, Préface à Chrétien de Troyes, Romans in Classiques Modernes, pp. [...]
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