Philippe de Commynes se présente, avant d'être mémorialiste, comme un conseiller et confident royal. A ce titre, il se poste à la fois comme un homme politique, participant à la mise en place de la diplomatie ; mais il revêt également un costume de confident intime. Ainsi, il nous offre un témoignage unique sur les sentiments profondément personnels des rois et princes qu'il a pu rencontrer à la fin du XVème siècle. A force d'observation et d'expérience, Commynes légitimise ses propos et apporte à l'Histoire des éléments personnels et intimes de la vie royale (...)
[...] La peur de perdre toute reconnaissance a pour conséquence de donner un caractère jalou, envieux aux princes. Même la question de la descendance angoisse ceux-ci qui se verront détrônés par leur progéniture. Notons à ce propos que Saint-Pol critique le roi Louis XI mais le craint en même temps. Il craint en effet que le Roi revienne sur le retrait de l'acte signéé à Bouvignes. Les princes vivent avec l'angoisse de tout perdre, ce qui les pousse à se défier et à se concurrencer en permanence. [...]
[...] La peur est un sentiment naturel qui peut être lié à divers facteurs. Lorsqu'elle s'affirme sous la forme d'une crainte, elle semble garder cet aspect naturel. Les peurs peuvent être bonnes lorsqu'elles ne sontpas corrompues par le pouvoir. Prenons ainsi l'exemple d'Edouard IV, homme que Commynes qualifie de plus bel homme [ ] jamais vu en ce temps-là. (III, V). Le roi Edouard IV est un roi bon, forcé à fuir l'Angleterre ; il ne craint pas de perdre son statut, il est pauvre et vit en faveur des peuples. [...]
[...] Prenons l'exemple de la bataille de Montlhéry où Commynes nous dit à propos de Monseigneur de Chardais : Ses pensées et ses projets étaient grands, mais nul homme ne serait capable d'en accomplir si Dieu n'y ajoutait de sa puissance. 4). Le mémorialiste insiste ici sur le fait qu'aucun homme ne peut réussir sans Dieu. Craindre Dieu pousse les princes à agir selon les commandements, qui sont naturellement bons. Nous avons pu observer une différence entre le soupçon qui fait naître la méfiance et les craintes naturelles qui dictent la destre voie aux princes. Nous avons pu noter la méfiance systématique des princes entre-eux qui les conduisent le plus souvent au combat. [...]
[...] La thématique de la peur hante les Mémoires de Commynes. Considérons tout d'abord la peur des princes qui s'apparente à une sorte de pathologie liée au pouvoir. L'appât de la victoire, de la reconnaissance et du pouvoir dans sa globalité obnubile les rois et les princes. Cette obsession conduit ceux-ci à vivre dans la méfiance, peur au caractère négatif qui se manifeste sous diverses formes. Cette méfiance perpétuelle des princes entre-eux s'avère quelque peu paranoïaque. Ainsi, le pouvoir étant l'objectif primordial de chaque prince, aucune confiance n'est possible au sein de la vie royale. [...]
[...] Cela engendre une atmosphère de soupçon perpétuel que le mémorialiste nous rappelle dans le chapitre 8 du livre IV : Monseigneur le connétable s'avisa de toutes ces tractations et avait peur d'être attaqué de tous les côtés. Il craignait toujours ce marché qui avait failli se conclure contre lui à Bouvignes (p. 288). Il semble donc certain que la peur des autres et le soupçon perpétuel tend à donner un caractère paranoïaque aux rois qui se sentent en danger continuel. N'oublions pas que Commynes jouit d'une riche expérience, ayant été conseiller de Charles le Téméraire puis de Louis XI. Nous pouvons noter des exemples de la méfiance incessante des princes entre-eux tout au long des Mémoires. [...]
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