« La poésie est à la vie ce qu'est le feu au bois. Elle en émane et la transforme », disait Reverdy. Il semble que cette remarque puisse rendre compte tout spécialement de la poésie de Michaux. Une poésie qu'engendre le réel, mais qui ne naît que pour le modifier. Dans « Un royaume », Michaux s'érige en souverain régnant sur des terres mystérieuses qui subissent sans cesse les attaques d'une « mer alerte et impétueuse. » Quatre paragraphes en prose suffisent à donner l'étrange impression d'un envahissement refoulé par quelque chose qu'on ne saurait définir. A quoi tient cette victoire sur les eaux toujours recommencée, cette victoire finalement jamais définitive sur ce « qui ne peut rien de définitif », et que signifie le fait que le texte s'achève sur « ma sagesses et ma compétence »?
Le poème décrit un lieu subissant une perpétuelle agression qui se solde par un perpétuel échec, mais il ne dit en rien de quelle façon l'envahissement marin est refoulé.
Tout se passe comme s'il fallait chercher dans la poésie en prose elle-même les conditions de cette victoire.
La poésie apparaît désormais comme le seul moyen trouvé par le poète de faire face aux agressions de la réalité, et le langage, en tension perpétuelle, se donne alors une vocation performative.
[...] C'est que le langage, étant à la fois prosaïque et poétique, atteint au maximum de ses visées performatives. En inscrivant les attaques de la mer et leur refoulement dans le présent itératif, il leur donne un statut éternel : les attaques ne sont pas annulées, mais leur refoulement non plus : sans cesse la mer attaquera, sans cesse elle sera refoulée. La poésie en prose, permettant de mieux mimer les agressions inefficaces de la mer comme nous l'avons montré plus haut, permet de les enfermer dans le texte, de les réduire à la simple expression de ce qu'elles sont. [...]
[...] Une mise en scène étrange, fondée sur le lieu et le temps, véritable théâtre d'une agression répétée, qui se fait dans un climat à la fois épique et fantastique, aboutissant au mystérieux échec de la mer. C'est une étrange mise en scène qu'accomplit ce poème. Il est d'abord question d'un lieu. Un royaume caractérisé par un groupe ternaire d'épithètes : immense, incomparable et presque indécouvert encore D'emblée le poète insiste sur la spécificité de ce lieu. Chaque adjectif vient modifier ou compléter le précédent. Incomparable donne à l'immensité du royaume un aspect quasi métaphysique, entretenu par presque indécouvert néologisme ayant pour fonction probable d'accentuer le mystère dont commence déjà à s'entourer le royaume. [...]
[...] On commence donc à comprendre, pour ces habitants qui sont souriants parce qu'ils sont habitants, l'importance décisive de ce poète-roi. III. Une redéfinition des rôles de la poésie et du poète La tension constitutive de ce poème en prose l'érige en une vision au cours de laquelle le poète peut redéfinir son rôle, et qui permet l'annulation des agressions du réel. Ce texte apparaît comme un rêve, comme une vision du poète. Je vois écrit-il. Tout le texte est le développement d'une vision. [...]
[...] Commentaire composé : Michaux, A Distance - Un royaume La poésie est à la vie ce qu'est le feu au bois. Elle en émane et la transforme disait Reverdy. Il semble que cette remarque puisse rendre compte tout spécialement de la poésie de Michaux. Une poésie qu'engendre le réel, mais qui ne naît que pour le modifier. Dans Un royaume Michaux s'érige en souverain régnant sur des terres mystérieuses qui subissent sans cesse les attaques d'une mer alerte et impétueuse. [...]
[...] Mais il est indécouvert inconnu. Le verbe découvrir peut s'employer pour ce que les yeux de l'esprit peuvent apercevoir. Ce qui est indécouvert est alors ce qui n'a pu être saisi par l'esprit. Mais découvrir se dit également de la mer qui laisse le rivage à sec. Presque indécouvert serait donc peut-être encore : presque submergé par les eaux. Ce lieu immense en contient évidemment d'autres. Sont nommés les chemins la ville ou la capitale populeuse les palais Seule la tête du royaume apparaît dans le texte. [...]
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