"Le roman n'est pas une confession de l'auteur, mais une exploration de ce qu'est la vie humaine dans le piège qu'est devenu le monde", écrit Kundera dans son Art du roman. Peut-être peut-on appliquer cette définition à la page de la Barrette rouge que nous nous proposons d'étudier. Une page de roman, donc, qui décrit la vie, misérable, d'une famille. Un père alcoolique qui bat sa femme et son fils, dans une maison "sale et puante". L'enfant, Siffrein, subit cette misère, sans un mot, semble-t-il, sans même la comprendre. De la description du lieu dans lequel vit cette famille, on passe à celle des moeurs du père, pour aboutir à celle des nuits que doit endurer l'enfant. Une description qui plonge progressivement le lecteur dans un univers glauque, où il se sent rapidement emprisonné, à l'image des personnages décrits. Qu'est-ce qui, dans ce texte, conduit le lecteur à cette sensation d'enfermement, et pourquoi le narrateur a-t-il pareil dessein?
[...] Le père accomplit des actions répétitives, machinales, voire absurdes. "Quand le père était fatigué de cette demi- obscurité, il crevait les papiers à coups de poings et les remplaçait le lendemain". Cette coordination par désigne l'enchaînement systématique, mécanique, des deux actions. Siffrein, lui, tombe dans l'hébétude, "négligeant presque de s'éveiller" quand il se sent menacé, se protégeant simplement d'un geste machinal. Enfin, l'emploi de la préposition associée au superlatif "moindre", dans "au moindre rat", marque la périodicité de la cause d'une action de Siffrein, qui par là est plus réaction qu'action, et rend le caractère machinal de sa conduite. [...]
[...] Peut-être peut-on appliquer cette définition à la page de la Barrette rouge que nous nous proposons d'étudier. Une page de roman, donc, qui décrit la vie, misérable, d'une famille. Un père alcoolique qui bat sa femme et son fils, dans une maison "sale et puante". L'enfant, Siffrein, subit cette misère, sans un mot, semble-t-il, sans même la comprendre. De la description du lieu dans lequel vit cette famille, on passe à celle des moeurs du père, pour aboutir à celle des nuits que doit endurer l'enfant. [...]
[...] Il est aussi victime d'un être dont la paternité est niée. Ce n'est plus qu'un homme, ou un orage: un phénomène presque inhumain, et donc incompréhensible, le resserrement de l'enfer sur sa proie. Et c'est sur un corps dont l'habitude d'être meurtri lui fait presque "négliger" de se réveiller devant la menace que s'achève le texte. Au centre de l'enfer, le corps roué, dernier cercle infernal vers lequel on est conduit, dernier cercle dans lequel Siffrein, innocent, est enfermé. II. [...]
[...] C'est d'abord le lieu habituel qui est oppressant. La Maison "sale et puante", caractérisée par deux attributs qui la réduisent à sa seule insalubrité. La maison est le seul lieu, pour l'enfant. Les autres sont inexistants, ou interdits (comme l'école, ou les lieux où l'enfant pourrait jouer). C'est donc l'univers de l'enfant qui est insalubre. Et les carreaux des fenêtres, remplacés par du papier de boucherie, sanglant, rendent la lumière elle-même insalubre. Lieu glauque, éclairé par une lumière glauque, et dont on ne peut pas même sortir: l'enfant est prisonnier, enfermé dans la misère du lieu. [...]
[...] Mais il y a un accroissement de cette oppression, qui se resserre à mesure qu'avance le texte. On le sent d'abord par le fait que le texte s'achève sur la description des nuits, alors qu'il avait d'abord été question de "lumière misérable". On a ici une descente vers l'obscur. Mais surtout, ce sont le portrait du père et la description de ses actes qui constituent une véritable descente aux enfers, dont les étapes sont presque identiques à celles des neuf cercles de l'enfer, dans la Divine Comédie. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture