Colloque Sentimental ferme le recueil, il est de par sa position même au sein des Fêtes Galantes l'aboutissement de celles-ci.
En seulement 22 pièces l'atmosphère d'insouciante gaieté qui l'emportait dans Sur l'herbe ou encore dans Fantoches a disparu. Si comme l'a dit Jean Louis Aroui chaque poème de ce recueil rêve d'extase et cache plus ou moins bien la tristesse, le masque s'effrite petit à petit.
Après l' « âme tremblante » des Ingénus, après les « mélancoliques pèlerins » du Faune, la danse macabre de Colombine et le « silence » pesant de En Sourdine on arrive à ce Colloque Sentimental.
Au vers 14 de celui-ci Verlaine écrit « L'espoir a fui, vaincu, vers le ciel noir » ; le recueil se clôt donc sur une note triste voire lugubre dans un parc à l'abandon et dans une nuit froide qui, seule, est témoin du dialogue de sourds de deux anciens amants vivant sur le mode de cette « vie fragile, voisin de la disparition, prête à s'éteindre » que décrit Jean Pierre Richard.
Dans Colloque Sentimental, les personnages ne sont plus d'insouciants danseurs comme on a pu en rencontrer auparavant mais des « spectres », ils ne se donnent plus la réplique, le rideau est tombé sur les personnages, la scène est vide, désolée. Les masques de Clair de lune et les déguisements sont tombés, on ne découvre derrière eux que nostalgie, refus de se souvenir et finalement la mort de l'amour.
Dans Clair de lune, le « programme » des Fêtes Galantes était clairement exposé dès le premier vers : « Votre âme est un paysage choisi », le recueil allait donc se composer de successives peintures d'âmes. De par sa position finale Colloque Sentimental peut apparaître comme l'aboutissement de ce programme.
[...] Le langage du spectre questionneur est empreint du style suranné propre aux personnages des Fêtes Galantes : cela est net dans le tour te souvient-il de pour te souviens-tu au vers 7. Le second spectre répond par une question : pourquoi voulez-vous donc qu'il m'en souvienne ? Cette question est calquée sur les mots mêmes qui lui ont été adressés et n'attend aucune réponse, il s'agit d'une question rhétorique, d'une réponse voilée. Les questions occupent dans le distique 4 une place telle que la réponse est réduite à un brutal non ; la dissymétrie entre les deux interlocuteurs s'amplifie, le questionneur semblant avoir des souvenirs de plus en plus précis. [...]
[...] Colloque Sentimental, Fêtes Galantes Paul Verlaine Colloque Sentimental ferme le recueil, il est de par sa position même au sein des Fêtes Galantes l'aboutissement de celles-ci. En seulement 22 pièces l'atmosphère d'insouciante gaieté qui l'emportait dans Sur l'herbe ou encore dans Fantoches a disparu. Si comme l'a dit Jean Louis Aroui chaque poème de ce recueil rêve d'extase et cache plus ou moins bien la tristesse, le masque s'effrite petit à petit. Après l' âme tremblante des Ingénus, après les mélancoliques pèlerins du Faune, la danse macabre de Colombine et le silence pesant de En Sourdine on arrive à ce Colloque Sentimental. [...]
[...] Dans le distique l'exaltation lyrique du premier spectre est frappante : il dilate à la mesure de l'infini du ciel le bonheur ancien du couple. Le propos du second spectre est plus un écho inversé qu'une réponse: à l'espoir grand succède l'espoir vaincu et au ciel bleu le ciel noir III/ Distique 8 : l'effacement dans la nuit Le décor subit une aggravation dans le sens de la solitude et de l'abandon : le vieux parc est envahi par les herbes sauvages. [...]
[...] C'est bien cette atmosphère incertaine et énigmatique que Verlaine met en place dans Colloque Sentimental, atmosphère qui donne l'impression que l'on s'éloigne progressivement des personnages dont il est question. Dans le vers 6 deux spectres ont évoqué le passé on s'attardera sur l'expression évoquer le passé Cette manière de dire est courante et s'inscrit d'ordinaire dans un contexte sans gravité particulière du fait que le sujet en est deux spectres Evoquer retrouve ici son sens étymologique : rappeler au jour ou à la vie. [...]
[...] Puis la couleur revient pour que reprenne la voix du narrateur qui conclut. Tout ne s'arrête pas là. La construction rimique dégagée répond aussi à la signification du texte. Le poème mets en scène deux individus autrefois amants, dont l'un se rappelle l'extase ancienne quand l'autre a tout oublié. Or la séquence qui réapparaît en fin de texte peut être interprétée comme étant : souvenir du premier distique de même couleur (lecture tabulaire) en même temps que son non-souvenir puisque trop éloignée de lui. [...]
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