City of Quartz, Los Angeles, capitale du futur, Mike Davis, sociologie urbaine
Mike Davis, avec Los Angeles, City of Quartz (1990), écrit ce qui reste comme son œuvre la plus aboutie et le premier maillon d'une longue série d'enquêtes portant sur Los Angeles. « Œuvre inclassable qui est un peu à la ville postmoderne ce que la « Paris, capitale du XIX siècle, de Walter Benjamin, est au monde de Haussmann et de Baudelaire » , sans tomber dans l'hagiographie, on peut affirmer que ce traité de sociologie urbaine décrit avec brio les tumultes de la capitale du futur, ville pleine de contradictions, stade suprême du capitalisme post-moderne, entre enfer racial et lutte des classes, entre utopie et dystopie. La structure étonnante de l'œuvre oscillant entre l'étude culturelle, des luttes de pouvoir et des évolutions architecturales ; la diversité de style littéraire mêlant narration historique, prises de positions sociologiques, parcours autobiographique ; la richesse du spectre des ressources déployées, associant littérature, cinéma et entretiens ; tout cet étonnant fourmillement intellectuel et esthétique ne semble avoir pour égal que le parcours atypique de l'auteur.
[...] D'autres auteurs voient dans Los Angeles pas seulement une ville qui se perd, mais aussi et surtout une ville qui se cherche. Ainsi, pour Gorra- Gobin, Los Angeles exprime une quête d'urbanité, c'est-à-dire d'une centralité et d'un espace public comme symboles fondateurs de la ville La loi d'airain qui voudrait que Los Angeles rejette la sphère publique au profit d'une glorification de la sphère privée semble s'essouffler et on voit naître une révolution des mentalités qui à tend vers un processus de revalorisation de l'espace public Le pessimisme de Mike Davis résulte donc d'un parti pris, puisque d'autres auteurs arrivent à des conclusions plus nuancées. [...]
[...] Un policier de la LAPD vous répondra que c'est la causalité inverse qui joue : c'est parce que la violence des gangs est croissante que la répression l'est aussi. Ainsi, Mike Davis a pu être qualifié d'être l'intellectuel organique des Crips et des Bloods c'est qui est totalement faux. L'auteur pointe les bons problèmes : ségrégation économique et sociale, racisme, et se fait le porte-parole d'une réintégration économique, sociale et culturelle de ces ghettos et de ce prolétariat avec l'idée selon laquelle les gangs disparaîtront au fur et à mesure de cette réintégration[6]. [...]
[...] Un affrontement qui se cristallise en émeutes lorsque les tensions sont insoutenables, comme en 1965 avec les émeutes de Watts. L'auteur parle de lutte des classes au soleil opposant un sous-prolétariat noir et la classe dominante WASP. C'est dans cette analyse que Mike Davis excelle. Il se focalise sur les gangs de rue (les tristement célèbres Crips et Bloods) qui représentent les seuls moyens pour les membres du lumpenprolétariat noir de survivre économiquement face à la discrimination de fait. En somme, une analyse qui pourrait ressembler à l'étude économique des dealers de crack de Levitt et Dubner dans Freakonomics. [...]
[...] Les déplacements se font dans de grandes artères, dans des automobiles climatisées, sûrement pas en transport en commun. L'urbanisme est alors conçu pour gérer les flux de populations. Emblématique est à cet égard l'analyse des centres commerciaux modernes (p232-233) où la circulation du public est canalisée sur des itinéraires d'un automatisme férocement pavlovien. Excité par toutes sortes de stimuli visuels ( parfois même grisé par des diffusions aromatiques, cet essaim de monades consommatrices vole de caisse en caisse On semble ici très proche de la notion de biopouvoir décrite par Foucault. [...]
[...] La tradition des études de sociologie urbaine naît avec l'école de Chicago. Si Robert E. Park choisit comme objet d'étude la ville éponyme parce qu'il voit en celle-ci un laboratoire social Mike Davis, de la génération suivante, fait de Los Angeles sont sujet, car il perçoit celle-ci comme une ville-miroir II. Présentation du livre En effet, le titre même de l'œuvre justifie l'entreprise de Mike Davis : City Of Quartz Inspiré par un poème de Todd Gitlin, qui renvoie à quelque chose qui ressemble à du diamant sans en avoir la valeur, quelque chose de translucide sans qu'on sache pour autant voir à travers Los Angeles n'est pas une simple boule de cristal qu'il suffirait de scruter pour apercevoir ce que sera la ville du futur ; une sérieuse opération de déconstruction et de compréhension est nécessaire pour percevoir toute la complexité qui se joue dans le cœur de la Cité des Anges, et par extension dans nos sociétés capitalistes et individualistes modernes. [...]
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