Régis Debray et Zhao Tingyang publient aux éditions Les Arènes un recueil d'échanges épistolaires qui est un dialogue entre un intellectuel occidental et un philosophe chinois : Du Ciel à la Terre. Régis Debray est né en 1940 à Paris. Agrégé de philosophie, essayiste, écrivain, membre de l'académie Goncourt, il est l'un des intellectuels français les plus traduits à l'étranger. Zhao Tingyang, professeur à l'Académie chinoise des sciences sociales, a enseigné à Harvard. Il est né en 1961 à Swatow, Guangdong, dans le sud-est de la Chine. Il est une figure originale de la philosophie politique chinoise.
[...] C'est impopulaire, mais on ne peut noyer l'inter dans le supra. Se gargariser de global est une façon d'éviter de penser international de se confronter aux luttes pour l'hégémonie et aux compromis entre intérêts nationaux, divergents ou opposés. Chaque communauté vivante a besoin de ses propres marqueurs ethnoculturels. La Russie postcommuniste retrouve la religion orthodoxe, la Chine postmaoïste retrouve le confucianisme. L'avènement du président global d'une humanité globale, homogène et normalisée serait un cauchemar orwellien. Le problème de la stabilité internationale est destiné à rester irrésolu, sans solution définitive. [...]
[...] Napoléon chez nous, Staline en Russie, Mao en Chine. L'esprit de révolte finit en obéissance contrainte, la spontanéité en bureaucratie, la dissidence en orthodoxie. Avant son sens politique, le mot révolution signifie le retour périodique d'un astre à son point de départ sur la voûte céleste. La rotation complète d'un corps mobile autour de son axe, et si on regarde l'histoire, ce n'est pas mal vu. Elle évoque plus la roue que la flèche, le surplace que l'avancée, comme si l'avortement ou la faillite des grandes espérances étaient dès l'origine inscrits au programme. [...]
[...] Aucun ordre établi n'est intouchable ou immuable. Parce qu'il abrite une inégalité, une contradiction interne qui le met en mouvement. Ce conflit permanent lui sert de moteur. Il n'est pas seulement destructeur, il est stimulant. L'oublier mène au marécage. C'est le cas de l'Union européenne et son euphorie d'une paix perpétuelle succédant aux obligations de la puissance. Cette Europe démocrate-chrétienne éprise de bons sentiments et amie de tout le monde a rejeté la mise sous tension, la lutte féconde des contraires, elle s'enfonce dans la vase sous l'égide du plus grand dénominateur commun. [...]
[...] L'homme n'est pas qu'un animal politique. Une part de lui échappe à l'histoire comme aux bouleversements techniques d'ailleurs. Cette part est ce qu'il a de meilleur comme ce qu'il a de pire : faculté de raisonner et de juger, pour le meilleur ; besoins et passions du corps, pour le pire. Il y a continuité identité des soubassements humains. Ce qui nous permet de communiquer avec les Anciens, de comprendre aussi bien le Yi Jing que le Menon de Platon, de circuler dans le temps long et de franchir les frontières des langues et des cultures. [...]
[...] Nous n'avons qu'une représentation morale des idéaux, dépourvus de la connaissance ou de la justification nécessaire. Nous les croyons bons, mais nous ne pouvons pas savoir s'ils le sont. Poursuivre un idéal revient à poursuivre aveuglément nos croyances. La révolution est aveugle : une aventure pour le destin de l'humanité. Le changement raisonnable La philosophie chinoise n'est pas comme on le croit conservatrice. Elle pose la question du changement rationnel. Le Yi Jing est l'une des pierres de touche de la pensée chinoise et l'un des six grands ouvrages utilisés par Confucius pour éduquer ses disciples : il enseigne que tout est en perpétuel changement, la transformation est la forme existentielle de toute chose. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture