Christian Soleil – Sur les traces de Virginia Woolf – 2004

Résumé du document

Christian Soleil nous invite sur les traces de Virginia Woolf. Et il le fait avec talent dans un livre bien documenté ; surtout, il nous convie et nous guide avec sa sensibilité d'écrivain.
Christian Soleil a raison de nous proposer ce voyage dans l'Angleterre de Virginia Woolf parce que Virginia Woolf est d'abord un écrivain anglais. Monique Nathan, biographe de Virginia Woolf, nous le dit : « …il est impossible de dissocier le roman de Virginia Woolf de son cadre de mer, de rivières, de bois. » En nous permettant de découvrir les lieux où elle vécut et qui l'inspirèrent - Londres, la campagne, les chemins ou les manoirs qui façonnèrent son âme et ses livres - il nous donne aussi à voir l'œuvre en devenir. Comme tout grand écrivain, Virginia Woolf prend appui sur les circonstances les plus futiles, se glisse dans les endroits les plus communs, s'introduit dans les plus ténues fissures du temps pour atteindre l'universel et l'intemporel. Pour nous parler de nous et de notre condition. Virginia Woolf est pénétrée de cette Angleterre qu'elle a parcourue et où elle a vécu et conçu son œuvre.

Extraits

[...] Si le temps était beau, raconte Angelica Garnett, nous nous installions au jardin. Nessa présidait, au bout d'une table très basse, tandis que Virginia et Clive se taquinaient, enfoncés dans leurs chaises Rorky qui couinaient à chaque mouvement. Clive, détendu et pensif, tirait avec délectation sur sa pipe, portait des vêtements vieux, mais propres. Virginia, souvent coiffée d'un chapeau, était élégante malgré ses gestes saccadés. Elle avait un air plus doux, plus attentif à Charleston qu'à Monk's House où elle devait jouer le rôle d'hôtesse. [...]

[...] Encore un instant pour ne pas trop retenir notre guide. Juste quelques mots de la magnifique nouvelle Kew gardens. Les passants déambulent entre les massifs de fleurs du parc ; nous entendons des bribes de conversations volées au hasard des rencontres que choisit Virginia Woolf ; nous découvrons les fleurs, les oiseaux et un escargot. Il est notre fil conducteur. Dans ce monde étonnant du parc où chacun tisse sa toile sans but, où les mots échangés semblent sans intérêt, incapables de s'envoler parce que portant des corps trop lourds de sens, où les vies mêmes sont vaines, l'escargot trace sa route, fait son chemin jusqu'au but qu'il s'est fixé. [...]

[...] suppose que tous les hommes d'ici passent leurs soirées au pub bien sûr ; et j'aimerais de temps à autre entendre leurs conversations.» A la fin de Entre les actes, Miss La Trobe entre dans le pub du coin après le défilé du village. Tandis qu'elle s'assied et sirote sa bière, en écoutant les discours des hommes du village, leurs «mots d'une seule syllabe» sombrent dans sa conscience. Bientôt la fumée remplit la pièce et elle ne voit même plus leurs vestes couleur de terre. [...]

[...] Pourtant, le sexe continuait d'effrayer Virginia. terreur de la vie réelle m'a tenue enfermée dans un couvent.» En fait, sans en être très consciente, elle cherchait un homme. Ses amis du groupe Bloomsbury ne lui suffisaient plus. Elle appréciait le contact simple, direct, chaleureux, et la franchise de ton des homosexuels, mais elle attendait désormais plus. Desmond et Clive étaient déjà mariés, Duncan et Maynard bisexuels, et Léonard était à Ceylan. Mais Virginia était très recherchée par les hommes. Elle eut une relation avec le peintre Walter Lamb, qui contribua au portrait de l'admirable Hugh Whitbread dans Mrs Dalloway, et deux autres de ses amis, Sydney Waterlow et Walter Headlam, montrèrent à son égard plus que de l'intérêt. [...]

[...] Son frère Thoby entre à Trinity College en 1899. Leslie Stephen espère bien que Virginia marchera dans ses pas comme écrivain. La jeune fille continue de dévorer les livres de la bibliothèque paternelle. «Les livres envahissent tout, écrit Virginia dans La Mort de la phalène, et toujours nous dévore le même sentiment d'aventure. Les livres d'occasion sont des sauvages, des vagabonds ; ce sont des troupeaux de tout poil rassemblés au hasard, leur charme fait défaut aux livres apprivoisés des librairies. [...]