Le défilé met en évidence ceux que leurs charges, leur notoriété et leur prestige ont arrachés à l'anonymat. Le peuple n'est que spectateur et reconnaît leur position honorable. L'opposition essentielle que manifeste le spectacle est celle qui sépare les gens d'honneurs (les regardés) et ceux qui demeurent obscurs (les regardants) (...)
[...] Conclusion: L'histoire des élites françaises du Second Empire à la IIIe République est marquée par la continuité beaucoup plus que par les ruptures. (Voir livre). L'adhésion à la méritocratie n'est pas un leurre. Mais, les mêmes mérites ne confèrent pas le même statut, la même fortune, la même puissance, le même mode de vie aux descendants des notables, de la grande bourgeoisie et de la noblesse et aux descendants de la moyenne et petite bourgeoisie ou des classes populaires. Les nouvelles couches sociales ont mesuré l'impossibilité de franchir un cap, celui de la durée, celui de l'héritage, et se sont senties frustrées comme les universitaires ou ont basculé dans la contestation comme les instituteurs. [...]
[...] Cette nouvelle attitude constitue peut-être l'étape la plus décisive dans la formation des élites modernes et l'évolution dans le même sens sera par la suite fort lente. En fait, durant le 19è, l'accès aux élites reste limité par la possession de savoirs traditionnels (culture classique, juridique ou médicale). Il faut attendre le 20è pour que des savoirs, professionnels et non plus intellectuels, soient enfin reconnus, souvent avec réticence: voyez l'importance prise par les élites syndicales et la rareté de leur nomination à des postes de responsabilité officielle. [...]
[...] La haute robe (c'est-à-dire la noblesse d'offices, qui accapare les charges des cours souveraines, parlements, chambres des comptes, cours des aides) hésite entre un comportement d'ordre, dont l'ambition serait d'obtenir un classement satisfaisant dans la hiérarchie d'honneur, voire une fusion avec la noblesse d'épée (achat de terres et de seigneuries), et une stratégie de service, qui refuserait la contagion des idéaux nobiliaires pour être un instrument plus efficace du pouvoir royal. Les deux aspects de leur personnalité, qui font d'eux à la fois des dignitaires sociaux et des hommes de service, coexistent indissociablement en eux; qu'ils n'aient pas choisi le second avec plus de netteté ne doit pas conduire à le sous-estimer. Le dévouement au roi et le sens de l'intérêt public sont souvent très présents dans leur comportement. [...]
[...] Dans le tissu de plus en plus serré des liens familiaux, les nouveaux venus eurent du mal à s'insérer. Cette évolution se fait au détriment du savoir, si important encore au milieu du siècle dans le mécanisme de l'ascension sociale; face à la naissance, il ne fait plus le poids. "La réussite professionnelle n'est plus une affaire de personne, mais de berceau." Rares ont été ceux qui ont dénoncé le danger que cela représentait pour cette élite, qui ne serait plus celle de la compétence. [...]
[...] Toutefois, comme le roi est la source des charges ainsi attribuées, les grands se trouvent dans la position de redistributeurs plutôt que de distributeurs autonomes; il devient donc de plus en plus important pour eux d'avoir de l'influence sur le roi et de capter ainsi à la source la faveur royale. Or, pour cela, il faut être à la source, c'est-à-dire à la Cour. Les réseaux de clients se trouvent ainsi mieux ordonnés autour du centre royal. La Cour y gagne en importance, elle devient de plus en plus un lieu de compétition où l'on se dispute la faveur du souverain. Les grands vont accepter cette évolution absolutiste dans l'espoir de la contrôler. Le système des clientèles leur permet de manipuler l'appareil étatique. [...]
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