Le Chat Noir d'Edgar Allan Poe est un récit fictif bref apparenté à la Nouvelle. Le récit présente des caractéristiques propres au fantastique mais également au conte en raison d'un discours moralisateur qui est implicitement sous-jacent.
Le titre évoque déjà le genre fantastique, son caractère énigmatique n'est pas sans rappeler la sorcellerie et les superstitions d'antan.
Outre le vocabulaire spécifique au genre (étrange, fantôme, superstition, démon, hyperdiabolique, âme immortelle, Cauchemar, ..., et les nombreuses allusions à l'enfer), Poe relate des événements d'apparence inexplicables mais qui peuvent recevoir une double interprétation : une réelle (ou du moins réaliste) et l'autre surnaturelle. La figure du chat peut être perçue comme bivalente aux yeux du lecteur. En effet, celui-ci pourra interpréter à sa guise les événements surnaturels du livre (l'image du chat sur les ruines de la maison après l'incendie, la tâche semblable à une potence sur le second chat noir,...).
Le caractère fantastique ne réside pourtant pas dans l'espace qui entoure les personnages, l'illusion tant à être réaliste et le cadre semble ordinaire (par exemple quand il décrit sa maison). Et pourtant le récit est entièrement chargé de symbolisme comme la tâche du gibet qui sera annonciatrice de son propre destin (on comprend dès le début de l'histoire qu'il est en prison et qu'il va mourir le lendemain).
Assurément, la position autodiégétique qu'occupe le narrateur, qui est à la fois un protagoniste de l'histoire (il est même le personnage central), mais qui se présente également comme ayant réellement vécu les faits qu'il raconte, est capitale car elle donne une dimension fantastique supplémentaire. La focalisation est forcément interne puisque les éléments ne sont perçus qu'à travers un personnage, le filtre de sa conscience. Nous sommes ici dans une logique de perspective narrative : celui qui perçoit est celui qui raconte.
Puisque le narrateur a vécu les faits qu'il raconte (le récit est en "je"), il instaure un pacte de vérité avec son lecteur de telle sorte que celui-ci pourra difficilement trancher. En effet, il y a une indétermination quant au récit du narrateur : il interprète la présence du chat comme source de malheur, comme générateur des actions immorales qu'il commet ; il incombe donc au lecteur la responsabilité de choisir si c'est le narrateur lui-même qui est fou ou si le chat est en effet un démon (...)
[...] Toute ma fortune fut engloutie, et je m'abandonnai dès lors au désespoir Cette ellipse pourrait une omission de cette période de l'histoire parce qu'elle n'est pas intéressante ou un passage volontairement pour ne pas donner des indices. Le récit est singulatif : il raconte une fois ce qu'il s'est passé une fois. Mais il est aussi itératif : il rapporte une fois ce qu'il s'est passé de nombreuses fois. L'auteur utilise donc l'imparfait, ce qui va permettre au lecteur de comprendre pourquoi le narrateur sombre petit à petit dans la folie. [...]
[...] Celle-ci est complètement absente et en aucun cas son comportement n'influe sur le caractère changeant du narrateur. Et pourtant, l'on pourrait croire que le geste qui l'a conduit à la mort, aura conduit notre protagoniste à se laisser dépasser par sa folie. Mais à ce moment là, celui-ci était déjà totalement déséquilibré et ce dénouement aurait forcément eu lieu à un moment ou à un autre. Par contre en ce qui concerne le chat, c'est d'abord une relation fusionnelle qui unit les deux êtres : Moi seul, je le nourrissais, et il me suivait partout où j'allais. [...]
[...] La relation est établie entre le narrateur et le supposé lecteur. L'auteur en donnant des indices sur le caractère passé du narrateur : Dès mon enfance, j'étais noté pour la docilité et l'humanité de mon caractère. Ma tendresse de cœur était même si remarquable qu'elle avait fait de moi le jouet de mes camarades cherche presque à prouver que celui-ci est victime de son propre sort, est en quelque sorte l'objet d'une machination diabolique. La description du passage de l'enfance jusqu'au moment du récit est volontairement sommaire et cette condensation extrême nous fait entrevoir le passage inéluctable d'un être dont le caractère dès l'enfance était aimable, affable, humain à être alcoolique et violent, voir même à un criminel. [...]
[...] D'ailleurs, le narrateur s'adresse au lecteur à plusieurs reprises pour que celui-ci éprouve de la compassion envers lui. Ainsi, le lecteur a l'impression que les faits racontés se sont réellement déroulés et peut partager, s'il le souhaite les sentiments du narrateur. A travers des exemples comme : Je rougis, je brûle, je frissonne en écrivant cette damnable atrocité ! Tantôt il cherche à convaincre le lecteur que chaque être humain, est être de faiblesse et ainsi toucher sa sensibilité : Qui ne s'est pas surpris cent fois commettant une action sotte ou vile, par la seule raison qu'il savait devoir ne pas la commettre ? [...]
[...] De plus la personnalité du narrateur est aussi troublée par son alternance entre ses moments de lucidité et ses moments de folie. Ainsi, l'auteur ne rend pas au lecteur la tâche facile quant à son interprétation, puisqu'il est toujours en constante hésitation entre donner du crédit à ses croyances irrationnelles (le chat noir est cause de tout) et une explication psychologiquement rationnelle. Au début du récit, il y a une forme de lucidité : quelque intelligence plus calme, plus logique, et beaucoup moins excitable que la mienne, qui trouvera dans les circonstances que je raconte avec terreur qu'une succession ordinaire de causes et d'effets très naturels qui implique le lecteur dans sa recherche de vérité. [...]
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