Nous sommes fin XVIIe siècle, et le début du règne de Louis XIV est placé sous le signe d'un mode féérique avec un goût prononcé pour le merveilleux. Pourtant, les fêtes diminuent, le roi vieillit et les nostalgiques des fééries se distraient avec des jeux littéraires festifs et spirituels. Parmi ceux-ci, un nouveau venu fait fureur : le conte. Ce genre ancien, redécouvert par La Fontaine, se nourrit des souvenirs d'enfances (histoires de grands-mères), de belles tournures, et de frivolités. Cette nouvelle mode déferle comme une vague puissante mais cependant brève.
Parmi ces conteurs, on retrouve Charles Perrault, qui s'impose alors comme modèle incontournable. Au niveau sociologie de l'époque, on peut même supposer que Perrault a voulu, à travers ses contes, voir émerger une culture populaire et nationale. Ceci même malgré le fait qu'il fut homme de lettres de la bonne société et conscient du fossé avec la France « d'en bas ».
Ces contes étaient dédiés à la nièce du Roi et caractérisent une littérature dite enfantine. Mais après avoir lu et étudié ces contes, dont celui de « La belle au bois dormant », on mesure vite combien ces contes se lisent comme des romans raccourcis écrits principalement pour les adultes. C'est à nous que s'adressent les pointes d'humour, les mots d'esprit, les euphémismes (qui parsèment la belle au bois dormant). Il est vrai qu'il faut lire les contes de Perrault dans leurs dimensions originales et accepter toutes les facettes : un réalisme cruel (une grand-mère ogresse désireuse de manger ses petits enfants), irruption du merveilleux (bottes de sept lieux, les fées et leurs sorts…), un monde brutal parsemé de quêtes initiatiques.
[...] Par notion de pouvoir, il est complexe de donner une définition simple de sa plus grande acceptation. Le pouvoir renvoie ainsi à d'autres notions qui le caractérise. Le pouvoir ne peut être que s'il y a interaction entre deux acteurs, comme le définit Weber. Le pouvoir rappelle donc aux principes d'allocution de ressources, de capacité à les employer, de plans établis, de stratégie, de résistances, de dépendances Pour Weber, la notion de pouvoir est indissociable avec celle de légitimité, ainsi, le pouvoir légitime est celui qui a la capacité de faire accepter ses décisions comme bien fondées et également de l'adhésion aux idées. [...]
[...] Donc, la Reine joue un rôle central dans le conte, celui du personnage avide de pouvoir dont le sang d'ogre qui coule dans ses veines n'est qu'un facteur aggravant à son rôle. Le fait que son fils parte à la guerre donne à sa mère le pouvoir de régence du royaume. Mais ceci ne lui suffit point, car ses origines ogresses la rattrapent et font qu'elle désire dévorer ses petits-enfants. On assiste là au comble de la cruauté, à la dimension la plus terrifiante du personnage : l'anthropophagie et de surcroît vis-à-vis de ses petits enfants et de sa bru (sa belle-fille). [...]
[...] Sachant que la Jeune Fée se trouvait à douze mille lieues du château (soit près de quarante-six mille kilomètres), le Nain, en quelque mille sept cent cinquante enjambées, alla lui conter la nouvelle. On peut trouver cela presque illusoire, voire même décalé, trop peut-être avec le conte, mais c'est en cela que réside le pouvoir du Nain. Ce pouvoir est celui de nous faire pénétrer dans ce monde du conte. Dans cette vision du conte de fées, le temps fonctionne comme l'espace : une sorte d'ailleurs différent dont les règles échappent à la logique rationnelle, dans lequel il faut accepter de pénétrer. [...]
[...] Ceci fonctionne très bien sur nous et sur le Cuisinier. Les enfants ont donc ce pouvoir d'attendrir les gens, mais seulement les gens, non les ogres( C'est là le seul pouvoir d'Aurore et Jour, ce qui les place au plus bas de cette hiérarchie des pouvoirs. Parmi cette classification des personnages selon leurs pouvoirs, il est intéressant de parler du Nain doté des bottes de sept lieux. Le Nain semble être un personnage de second plan, servant juste à prévenir la Jeune Fée de l'accomplissement de sa prédiction. [...]
[...] Charles Perrault souhaite ici que l'on s'attarde en réfléchissant sur notre sort commun, celui de naître pour mourir. Ce conte enfantin pour adulte est une leçon de morale servant à nous rappeler qu'il est par nature impossible d'éviter l'inévitable. Le conte est alors un exutoire à cette idée d'une mort certaine. Là est la force du pouvoir de la jeune fée, qui en soi est le pouvoir d'offrir une mort reculée. La Vieille Fée a un rôle relativement court, mais néanmoins intense, car elle est le symbole de la mort personnifiée. [...]
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