Avec La naissance des intellectuels Christophe Charle revient sur un phénomène social né au XIXème siècle, qui va connaître un essor considérable avec l'affaire Dreyfus. Mot complexe désignant à la fois un groupe social qui joue un rôle de contre-pouvoir, et une manière de porter des valeurs humaines universelles à l'encontre des hiérarchies établies, les intellectuels vont s'affirmer tout au long de ce siècle afin d'asseoir leur domination dans le monde politique et culturel. Comment les intellectuels se sont distingués dans la société française tout au long du XIXème siècle ? (...)
[...] Les dreyfusards mettent alors en scène des célébrités. Ces principales figures tutélaires (Zola, Anatole France, Emile Duclaux, Mr Michelet) vont donner au mot intellectuel toutes se harmonies : en effet Zola représente un mélange d'artiste et de savant, Anatole France allie ironie et attachement à la tradition classique, Emile Duclaux qui dirige l'Institut Pasteur est considéré comme un savant, bienfaiteur de l'humanité, enfin Michelet, oracle des étudiants se rattachait à la généalogie de l'intellectuel. Le journal antisémite et anti intellectuels La libre parole comprend qu'il faut enrôler pour la cause nationaliste des représentants de l'élite intellectuelle aussi prestigieux que les universitaires, le mot intellectuel n'est alors plus réservé à la désignation des seuls dreyfusards. [...]
[...] En effet en l'espace e vingt ans, entre 1870 et 1890, les fractions dirigeantes de la société, confrontées à une remise en cause analogue de leur pouvoir (critique de l'optimisme méritocratique es Républicains) engendre une crise de confiance dont les intellectuels vont s'emparer, afin d'y jouer un rôle politique et social important. Les intellectuels prennent alors conscience du rôle d'arbitre dont ils jouissent. Au nom des valeurs universelles des Lumières, ils deviennent les portes paroles, les représentants et les régulateurs de l'ordre social. Parallèlement, les luttes idéologiques entre intellectuels apparaissent. [...]
[...] Tel est l'analyse faite par Jacques le Goff dans son ouvrage Les intellectuels au Moyen Age. Selon un autre auteur, Paul Bénichou, c'est vers le XVIII ème siècle que l'on assiste à la naissance d'un pouvoir spirituel laïc, qui donnera plus tard naissance aux intellectuels ; c'est ce qui est théorisé dans l'ouvrage de cet auteur, Le sacre de l'écrivain : 1750-1830. Cette analyse se rapproche davantage de celle menée par Christophe Charle : l'intellectuel est le résultat d'une succession régulière et découle d'une généalogie familiale. [...]
[...] Ce néologisme est entré par les marges dans le vocabulaire social. La corporation des gens de lettres du début du XIX ème siècle, formée de littéraires, de philosophes, de savants et de publicistes, va être précurseur de la configuration intellectuelle française qui va apparaitre à la fin du XIX ème siècle. La naissance des intellectuels avant les intellectuels Selon Christophe Charle, l'apparition d'une figure sociale et culturelle semblable à celle des intellectuels remonterait au XVIII ème siècle avec la notion d'homme de lettre, qui englobe les philosophes et les savants. [...]
[...] Ainsi la Ligue de la patrie française compte plus de publiciste que d'hommes de lettres. Les dreyfusards essayent alors d'enrôler la jeunesse des écoles même s'ils peuvent déjà largement s'appuyer sur les universitaires. Le mode de mobilisation des élites ou des intellectuels au cours de cette crise va à l‘encontre des formes légales auxquelles les élites administratives sont attachées du fait de leur culture professionnelle. La ligue de la patrie française, réponse de l'élite aux intellectuels, représente pour les fonctionnaires une revanche idéologique de l'ancienne élite administrative épurée. [...]
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