Contexte : Le 17 mai 1972, le commissaire Calabresi est assassiné à Milan. Ce policier avait été présenté, notamment par le journal contestataire Lotta Continua, comme responsable de la mort d'un anarchiste, dont on avait découvert le corps défenestré, en 1969, dans le jardin de la préfecture de police. Seize ans plus tard, en juillet 1988, Leonardo Marino, ex-militant du groupe Lotta Continua, s'accuse d'avoir participé au meurtre et met en cause ses camarades Ovidio Bompressi, Giorgio Pietrostefani, et Adriano Sofri (...)
[...] Depuis le milieu du XXe siècle, de nombreuses critiques ont été portées à l'historiographie de type judiciaire, poussant à s'interroger de nouveau sur les rapports qu'entretiennent le juge et l'historien Rapprochements-différences Le rapprochement entre les métiers de juge et d'historien repose avant tout sur l'usage de la preuve. Pour moi, comme pour beaucoup d'autres, les notions de "preuve " et de " vérité " sont, au contraire, parties intégrantes du métier d'historien . Le métier des uns et des autres (historiens et juges) se fonde sur la possibilité de prouver en fonction de règles déterminées, que x a fait y ; x pouvant désigner indifféremment le protagoniste, éventuellement anonyme, d'un événement historique ou le sujet impliqué dans une procédure pénale ; et y une action quelconque. [...]
[...] C'est précisément ce que Carlo Ginzburg reproche aux juges qui ont statué sur l'affaire Sofri en condamnant sur la base d'un seul témoignage et en l'étayant à l'aide du contexte : Le juge d'instruction Lombardi et l'avocat général Pomarici se sont comportés en historiens et non en juges Ce sont ces considérations qui amènent Carlo Ginzburg à écrire cette formule souvent reprise : Réduire l'histoire au juge, c'est simplifier et appauvrir la connaissance historique ; mais réduire le juge à l'historien, c'est pervertir irrémédiablement l'exercice de la justice Titre 2 : Comparaison du procès de Sofri à un procès d'Inquisition Carlo Ginzburg a longuement étudié les procès d'Inquisition et plus particulièrement les procès en sorcellerie au Moyen Age. Il n'hésite pas, tout au long de son analyse minutieuse des actes du procès Sofri, à relever certaines similitudes avec les documents qu'il a été amené à consulter lors de son travail d'historien. Tout d'abord il relève le problème de la transcription. [...]
[...] Pourtant, loin de prendre le lecteur en traître, Carlo Ginzburg annonce dès le début ses convictions et s'en écarte tout au long de son œuvre pour montrer scientifiquement que les accusations portées contre Sofri n'ont pas de fondement. La certitude morale n pas valeur de preuve. C'est pourquoi je n 'ai pas insisté sur mes convictions qui n'intéressent personne Postérité Son œuvre n'a malheureusement pas eu les effets qu'il avait escomptés : son ami a été condamné par la justice italienne, après une procédure riche en rebondissement. [...]
[...] Fiche de lecture Carlo Ginzburg Le juge et l'historien (1991) L'auteur Né en 1939 à Turin, Carlo Ginzburg est un historien. Initialement professeur d'histoire à Bologne, il s'est ensuite expatrié pour enseigner à l'université de Californie. Il est spécialisé dans la sorcellerie et sa répression à la fin du Moyen Age. Son père est éditeur et professeur de littérature russe, mais il le perd à l'âge de 5 ans. Sa mère, romancière, refait sa vie avec un spécialiste des lettres britanniques. [...]
[...] Mais pour autant, le juge et l'historien ne travaillent pas sur le même matériau de départ : si le juge a accès aux sources de vivo avec les témoignages, l'historien n'a accès qu'aux intermédiaires, aux transcriptions écrites des sources orales qui sont plus ou moins imprégnées de l'interprétation subjective de leur auteur. Mais pour autant, comme le précise Carlo Ginzburg, la convergence entre le métier de juge et d'historien vaut que dans l'abstrait». L'intérêt de la confrontation se trouve précisément dans la «divergence profonde existant entre le juge et l'historien. [...]
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