Bruner remarque d'abord l'ancrage pragmatique de la demande linguistique dans le monde réel. Puis il distingue trois types de demandes qu'il va se proposer d'étudier : la demande d'un objet dans laquelle il va surtout souligner l'importance des conventions et donc de la culture dont la mère est un « agent volontaire », l'invitation qui en étant plus détendue et familière va permettre un meilleur développement de la grammaire, et la demande d'aide qui, plus complexe que les deux demandes précédentes, nécessite une bonne connaissance de la structure de la tâche pour laquelle l'enfant a besoin d'aide, et la formulation de sa demande : d'où une planification préalable et intelligible de l'action (...)
[...] Avant neuf mois, l'enfant ne regarde que l'objet, puis viennent des regards vers la mère. Ensuite, le geste devient stylisé sans effort ni irritation, et les sons qui les accompagnent deviennent des appels stylisés de demande. De seize à vingt mois les demandes se font de plus en plus vocales, des mots sont associés à une demande, puis une intonation, puis enfin des lexèmes propres à l'enfant lui servant à désigner les objets, ces lexèmes étant associés aux mots de demande et à une certaine intonation. [...]
[...] Cet ensemble de conditions apprend à l'enfant que la demande est sollicitation plutôt que contrainte. Ces leçons dépassent la linguistiques et s'étendent au culturel : l'enfant a besoin du langage pour obtenir certaines choses et l'adulte fait de l'enfant un être civilisé et non pas seulement un être capable de parler. Les invitations se déclinent en forme asymétrique (l'adulte est agent et l'enfant spectateur ; comme dans le cas de la lecture d'un livre), parallèle (l'enfant et l'adulte partagent une expérience ; comme regarder tous les deux la neige qui tombe par la fenêtre) et enfin alternative (l'enfant et l'adulte agissent à tour de rôle ; comme quand la mère construit un château et que l'enfant le renverse). [...]
[...] Le mot encore devient le pivot de la récurrence. Enfin y apparaissent les premières formes de louange afin d'obtenir les bonnes grâces. Ceci s'explique par les moindres enjeux de l'invitation, ce qui confère à leur situation un caractère plus détendu. De plus leur familiarité, en exigeant moins de traitement, permet une plus grande attention sur l'élaboration de structures grammaticale. Finalement il y a un réel plaisir de l'adulte soumis à l'invitation, ce qui le fait répondre avec un soutien vigoureux, développé syntaxiquement, et donc enseignant à l'enfant des formes de langage riches et utiles. [...]
[...] Vers huit mois se fait un plus grand changement, l'enfant fournit une première indication référentielle interprétable de ce qu'il demande à travers un cri plus ritualisé, moins persistant, ponctué de pause visant à vérifier si l'adulte l'a compris. C'est un début de convention en tant que la mère impose certaines contraintes (interdiction de hurler, attente d'être compris) modelant déjà la demande, puis lorsqu'il pourra demander ce qu'il veut, la conventionnalisation se fera plus rapidement. Les mères comprennent ce que désire l'enfant environ vers huit mois, lorsqu'objectivement celui-ci tend ses bras vers l'objet convoité, dans une tentative éventuelle de saisie. Cette tentative devient par la suite stylisée et conventionnelle, la vocalisation l'accompagnant devient codifiée. [...]
[...] Il aurait été capable de demander directement les assiettes, mais le problème vint surtout du fait qu'il n'arrivait pas à associer à l'avance le plan d'action requis et la demande. A vingt-quatre mois la demande est mieux organisée, en deux temps : d'une part l'appel de l'agent et de l'action à effectuer et d'autre par une désignation éventuelle d'un lieu et/ou d'un instrument. A la fin de la deuxième année, Richard était capable d'une répondre grammaticalement à une question de sa mère. La structure de la tâche est dès lors associée à la capacité de formuler la demande. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture