Cette comédie est l'histoire d'un chassé-croisé amoureux. Ignati Andreevitch, un brigadier despotique, et son fils Ivanouchka, qui est atteint de « gallomanie », sont tous deux épris de la jeune femme d'un conseiller, Avdotia Potapievna. Ce conseiller, Artamon Vlassitch, s'est lui-même amouraché de l'épouse du brigadier, Akoulina Timofeevna, une bonne ménagère, innocente et un peu sotte. Quant à Sophie, la fille du conseiller, refuse d'épouser Ivanouchka, à qui elle est promise, car son cœur brûle pour un autre homme, nommé Dobrolioubov. Des scènes de tête-à-tête permettent aux amants de se déclarer tour à tour, à raison d'une seule déclaration par acte (conseillère/Ivanouchka, puis conseiller/brigadière). Le quatrième acte prépare le dénouement en freinant l'action : tout le monde se réunit, on joue aux cartes et aux échecs, on remue les souvenirs. Au dernier acte, chaque personnage trouve celui dont il est épris auprès d'un autre, et l'heure des explications sonne. Elles pleuvent en cascades et s'enchaînent les unes aux autres : tout s'écroule alors comme un jeu de cartes, c'est la rupture entre les deux familles, à la grande joie de Sophie et de son amoureux.
[...] En 1782, il achève sa célèbre comédie satirique sur l'éducation des jeunes nobles, intitulée Le Mineur (Недоросль). Cette pièce, qui inspirera par la suite le théâtre de Gogol, lui assure une place privilégiée dans les lettres russes. - Les dernières années de sa vie sont marquées par de fréquents voyages à l'étranger, notamment en France et en Italie, et par la multiplication de ses activités littéraires : il projette d'éditer une revue mais se heurte au veto du censeur, il médite des reformes politiques et tombe en disgrâce aux yeux de Catherine II (car il préconise l'abolition du servage, devenu pour lui un véritable esclavage, et affirme la nécessité d'adopter d'une constitution), enfin, il participe à la publication du Dictionnaire de l'Académie russe. [...]
[...] Quant aux injures du père d'Ivanouchka, elles masquent imparfaitement une certaine admiration pour son fils unique Il sait, quand il convient, dire un bon mot ou se taire On serait donc tenté de croire que Fonvizine s'est borné à farder quelque peu son personnage pour le faire accepter par le public russe. Il fait d'ailleurs des emprunts presque directs aux comédies qui traitent du même sujet : il transcrit ainsi tout un passage de la Française gouvernante de l'Allemand J. C. Gottsched et le place au début du troisième acte de sa pièce. [...]
[...] Ce fond de pensée que Fonvizine attribue à ses personnages vient du dramaturge lui-même : à ses yeux, c'est l'intelligence qui distingue l'homme de la bête et l'homme déraisonnable n'est qu'une bête скот en russe, mot employé plusieurs fois dans la pièce et qui confèrera son nom au célèbre Скотинин de la comédie Le Mineur). Le vice n'est que le produit de la bêtise humaine et le rôle de l'écrivain, aux yeux de Fonvizine, consiste à relever les mœurs en éclairant les esprits. C'est aussi la tâche de l'éducation. A travers tous ces personnages, Le Brigadier fait donc le procès de la bêtise humaine. L'action de la pièce est conditionnée par l'opposition père / fils, mais tous sont solidaires dans la poursuite de leurs visées déraisonnables : cupidité, infidélité conjugale, singerie des modes occidentales. [...]
[...] Une tendance moralisante très marquée caractérise donc cette première pièce à thèse du répertoire russe, qui joue aussi un rôle essentiel dans l'évolution de la langue russe moderne, dans la mesure où le russe parlé obtient pour la première fois droit de cité dans les lettres. Bibliographie STRYCEK Alexis, Denis Fonvizine, Librairie des cinq continents (coll. Etudes russes) Créé par Pierre le Grand en 1722, puis supprimé par Paul Ier, le grade de brigadier est un grade intermédiaire entre ceux de colonel et de général. [...]
[...] Le Brigadier de Denis Fonvizine Biographie de Denis Ivanovitch Fonvizine (1745-1792) - Surnommé le Molière russe Denis Ivanovitch Fonvizine naît à Moscou en 1745. - Descendant de chevaliers livoniens (actuelle Lettonie) russifiés, il fait de brillantes études dans les classes préparatoires de la nouvelle université de Moscou, fondée en 1755 par l'impératrice Elisabeth Petrovna, dont l'une des préoccupations majeures est la formation d'une classe cultivée nationale. - Il y apprend le latin, le français et surtout l'allemand, la langue de ses ancêtres, et s'essaye à la traduction : dès l'âge de seize ans, en 1761, il se fait connaître grâce en traduisant de l'allemand les Fables morales de Ludwig Holberg, surnommé le Voltaire du Nord Ce travail permet à Fonvizine de se familiariser très tôt avec les procédés satiriques et surtout avec les idéaux du courant de pensée européen des Lumières. [...]
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