Bouvard et Pécuchet, l'œuvre posthume de Flaubert est admirée ou détestée par le lecteur, mais ne laisse jamais personne indifférent. Il est rare qu'une oeuvre intéresse tous les lecteurs mais cet auteur a réussi un roman qui les touche tous sans exception, jusqu'à la passion ou le dégoût. De plus, Flaubert étant décédé sans avoir fini cette œuvre, le livre a toujours conservé un côté mystérieux. Malgré les nombreuses critiques qui ont fustigé ce livre, les études et recherches se sont multipliées dans le but d'en saisir le sens et de trouver des indices qui permettraient de conclure. Flaubert s'est toujours révolté contre la sottise de ses contemporains. Dumesnil précise que « l'idée première de ce livre remonte très loin » . A travers le regard de deux hommes naïfs, le romancier évoque tous les domaines scientifiques ou de connaissance. La rédaction de ce roman fut pour Flaubert l'une des plus laborieuses de sa vie; afin d'y parvenir, il dut lire de nombreux ouvrages, environ mille cinq cents selon les écrits qui ont été retrouvés. Tout au long de sa vie, il a évoqué dans ses romans la bêtise sous toutes ses formes et avait le projet de faire « une revue de toutes les idées modernes » . Flaubert était révolté de l'attitude de son entourage, il était très critique envers le positivisme et surtout le scientisme qui, à cette époque, se développaient grâce aux progrès effectués par les scientifiques. Il déclarait vouloir faire de son roman une « encyclopédie de la bêtise humaine ». Bouvard et Pécuchet est donc un roman qui a, à l'époque de l'auteur, choqué de nombreuses personnes. Aujourd'hui, ce n'est plus le cas mais il continue à surprendre et dérouter le lecteur. La critique a épuisé sur Bouvard et Pécuchet tous les termes du scandale et du mépris . Dumesnil le rappelle dans son étude, certains n'ont vu dans ce livre qu'une farce d'une lourdeur écrasante tandis que d'autres y ont perçu la condamnation de tout esprit d'entreprise. D'autres, comme Gourmont, tiennent le roman de Flaubert comme le chef d'œuvre de la littérature française. Les opinions sont donc très partagées et ont engendré de nombreuses analyses du roman, toujours étudiées. Le livre de Flaubert a suscité une polémique et c'est là que l'on voit tout l'art de Flaubert. Nous verrons, qu'une fois analysé, le roman posthume de Flaubert prend tout son sens et devient un chef d'œuvre pour qui sait voir au-delà des mésaventures de deux « cloportes ».
[...] Bouvard et Pécuchet sont incapables de nuancer les idées et de distinguer l'essentiel de l'accessoire. Ils placent la connaissance d'une langue sur le même plan que l'utilisation d'une boussole. Flaubert évoque ici le problème de l'être et du paraître. Bouvard et Pécuchet pensent que le paraître peut compenser l'être, que la ressemblance avec des géologues pourra combler leurs lacunes. Flaubert utilise le style indirect libre, la lecture du Guide se fait donc à travers le regard des deux hommes. Cela permet au lecteur de percevoir leur psychologie. [...]
[...] Leur vision de l'avenir est infantile et superficielle. A l'âge où les adultes se retirent de la vie pour se reposer, eux plongent dans les expérimentations. Au cours de leurs expériences, le lecteur croirait observer deux enfants à qui l'on a offert un coffret de chimie et qui veulent tout tester immédiatement sans prendre le temps de lire la notice ou de réfléchir à une méthode d‘apprentissage. De fait, il faut être naïf pour penser que l'on peut acquérir toutes les connaissances dans leur intégralité et ainsi connaître le monde, et surtout être persuadé que tout se trouve dans les écrits. [...]
[...] Il définit la sottise bourgeoise comme «penser bassement Bouvard et Pécuchet expriment bien cette opinion : Puisque les bourgeois sont féroces, dit Pécuchet, les ouvriers jaloux, les prêtres serviles, et que le peuple enfin accepte tous les tyrans, pourvu qu'on lui laisse le museau dans sa gamelle, Napoléon a bien fait ! qu'il le bâillonne, le foule, et l'extermine ! Ce ne sera jamais trop pour sa haine du droit, sa lâcheté, son ineptie et son aveuglement. Et Bouvard conclut : Tout me dégoûte ! Vendons plutôt notre baraque, et allons au tonnerre de Dieu chez les sauvages ! [...]
[...] ( FLAUBERT, Bouvard et Pécuchet, Paris, Gallimard Folio p.258 ) Mais Bouvard et Pécuchet ne sont pas uniquement les porte-parole de Flaubert. Le lien qui les unit est plus fort que cela. Lorsque Bouvard et Pécuchet quittent Paris, Flaubert leur donne cinquante-trois ans, son âge lorsqu'il débute la rédaction de son roman posthume. Mais la ressemblance ne s'arrête pas à ce détail. Les deux personnages choisissent comme passe- temps ce qui fut pour Flaubert l'occupation de toute une vie : dresser un catalogue des sottises rencontrées au cours de ses lectures L'auteur leur fait entreprendre le même travail que lui, ce qui en montre l'importance à ses yeux. [...]
[...] Raymond Queneau, dans sa préface à Bouvard et Pécuchet[7], assimile le roman à l'Odyssée[8]. Ce rapprochement peut paraître étrange et pourtant, en y prêtant attention, on trouve de nombreux points communs entre ces deux œuvres. Selon la définition du Grand Larousse[9], une odyssée est un voyage mouvementé, riche d'incidents, de péripéties Bouvard et Pécuchet correspond parfaitement à cette définition. En effet, nul ne peut nier que l'histoire des deux hommes soit riche et mouvementée. Le roman de Flaubert est donc une odyssée. [...]
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