Cet ouvrage est la transcription de l'enregistrement de deux émissions réalisées en mars 1996 dans le cadre d'une série de cours du Collège de France. Intitulés Sur la télévision ainsi que Le champ journalistique et la télévision ils ont été diffusés sur la chaîne Paris Première en mai 1996. Par la présentation télévisée de ces cours Pierre Bourdieu souhaitait "aller au-delà des limites du public ordinaire d'un cours du Collège de France" (p.5).
L'objectif de ce livre est de montrer que la télévision, à travers ses mécanismes, fait non seulement courir un grand danger aux différentes sphères de la production culturelle mais également à la vie politique ainsi qu'à la démocratie.
Bourdieu a la conviction que son analyse de la télévision et du champ journalistique peut contribuer à changer les choses. Selon lui, la prise de conscience de leurs mécanismes par ceux qui en sont victimes (spectateurs mais aussi journalistes) pourrait leur donner une marge ainsi que des instruments de liberté. Versant dans l'utopisme il pense même que "le fait de rendre ces mécanismes conscients et explicites, peut conduire à une concertation, en vue de neutraliser la concurrence" (p.64). Cette dernière étant un des principaux éléments régissant le champ journalistique.
(...) Dans l'avant-propos, l'auteur expose brièvement le but ainsi que les raisons pour, et les conditions dans, lesquels ces émissions furent réalisées. Il nous entretient également du prolongement dans lequel elles s'inscrivent, à savoir le "combat constant de tous les professionnels de l'image attachés à lutter pour "l'indépendance de leur code de communication" et en particulier de la réflexion critique sur les images" (p.7). Bourdieu nous fait part ensuite de son sentiment pessimiste quant à la réception de ses analyses. Il souhaiterait qu'on ne les perçoivent pas comme des "attaques" à l'égard des journalistes et de la télévision (...)
[...] En effet, l'accès à la notoriété publique est, pour certains de ces derniers ainsi que les hommes politiques, un enjeu capital et ce sont les journalistes qui le détiennent. Mais il permet surtout d'imposer à toute la société leurs principes de vision du monde. Bien que le champ journalistique soit divisé et diversifié, donc propre a représenter toutes les opinions, il repose, comme les autres, sur un ensemble de présupposés inscrits dans un système de catégories de pensée, qui sont au principe de la sélection qu'opèrent les journalistes dans la réalité sociale et l'ensemble des productions symboliques[3]. [...]
[...] Se faisant le porte-parole du public, dont il laisse entendre qu'il ne comprendra pas un discours ou une intervention, le présentateur se permet de couper la parole, de presser, d'interrompre. Ainsi, le débat faussement vrai sous les dehors de l'égalité formelle respectée, est inégalitaire. Cela pose un problème du point de vue démocratique pour Bourdieu. En effet, tous les locuteurs ne sont pas égaux sur un plateau. Il conviendrait alors selon lui, pour rétablir un peu d'égalité, d'être inégal. C'est-à-dire que les présentateurs assistent les plus démunis face à la prise de parole, ce qu'ils ne font pas. [...]
[...] Selon Bourdieu, on peut et on doit lutter contre l'audimat qui est la sanction d'une l'égalité externe purement commerciale. La télévision régie par l'audimat contribue à faire peser sur le consommateur supposé libre et éclairé les contraintes du marché, qui n'ont rien de l'expression démocratique d'une opinion collective éclairée (p.78). Ce problème doit être clairement pensé par les associations chargées d'exprimer les intérêts des dominés ainsi que les penseurs critiques sans quoi on contribue à renforcer les mécanismes en place. [...]
[...] Selon Bourdieu, un certain nombre d'intellectuels de télévision, de fast-thinkers se servent cyniquement de la sociologie afin de réaliser des coups de force dans le champ intellectuel. Mais ces forces et manipulations journalistiques peuvent également se faire de manière plus subtile, par la logique du cheval de Troie. Cette dernière consiste à introduire dans des univers autonomes (intellectuels) des producteurs hétéronomes (attirés par le commercial) qui, avec l'appui des forces externes (les médias), recevront une consécration (une cote télévision, un poids journalistique) qu'ils ne peuvent recevoir de leur pairs. [...]
[...] Tout cela contribue, pour Bourdieu, à menacer la position des journalistes de presse écrite ainsi qu'à mettre en question la spécificité de la profession. Mais le plus important pour lui c'est qu'à travers l'accroissement symbolique du poids de la télévision, une certaine vision de l'information (celle du sensationnel) tend à s'imposer à l'ensemble du champ journalistique. Et, par là, c'est une certaine catégorie de journalistes (ceux plus enclins à répondre aux attentes du public le moins exigeant) qui tend à imposer son idéal humain à l'ensemble des journalistes. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture