La République des Lettres est un grand rêve jamais réalisé, mais toujours réalisable, qui confère au monde de l'esprit, à un moment de son histoire, une force, une cohésion et une unité jusqu'alors inconnues. Sans République des Lettres, il n'y aurait point eu d'intellectuels.
Qu'est-ce que la République des Lettres ?
Le terme apparaît en 1417, dans sa forme latine Respublica litteraria, dans une lettre de Francesco Barbaro (1390-1459) envoyée à Poggio Bracolini (1380-1454). Ici la date de 1417 n'est qu'un repère : il est imprudent de conclure que l'expression est née cette année-là et en terre italienne. Pas d'autre occurrence avant 1491. Dès le premier quart du XVIème siècle, Respiblica literaria apparaît avec une plus grande fréquence. Après 1525, l'expression est désormais courante : présente dans une vaste aire géographique (Italie, Suisse, pays germaniques, France et Angleterre). Le sens de l'expression varie selon celui qui l'emploie. Dans bien des cas, République des Lettres est un terme collectif qui désigne les individus s'intéressant aux lettres. En 1694, le Dictionnaire de l'Académie française entend par « lettres » « toute sorte de science et de doctrine ». Il est clair que le terme « lettres » englobe, en fait, l'ensemble du savoir. L'Allemand Heumann et le Hollandais G.J. Vossius emploient le mot litterae au sens d'eruditio, c'est-à-dire de connaissances, de savoir. La République des Lettres désigne les savants, les érudits, les doctes, ceux qui cultivent le savoir dans sa globalité, les lettres aussi bien que les sciences. On emploie également ce terme pour désigner le monde des savants dans son ensemble. A l'occasion, République des Lettres ne désigne plus l'ensemble des savants mais une partie d'entre eux. Il arrive que République des Lettres ne se réfère plus aux individus qui cultivent le savoir mais au savoir lui-même. Parfois République des Lettres recouvre tout à la fois le monde savant et ses productions. Vers la fin du XVIIème siècle, la République des Lettres devient un objet d'interrogation et de définition dont les dictionnaires s'emparent. (...)
[...] La République des Lettres se confond donc à l'Europe. Elle ne recouvre point, cependant, toute l'Europe. Elle se borne à la partie occidentale du continent. Même réduite à l'Europe occidentale, la République des Lettres n'est point un territoire homogène : des zones denses se juxtaposent à des aires clairsemées, voire désertiques. On célèbre à l'envi la France comme la patrie par excellence des lettres et des lettrés. La Hollande compte aussi parmi les terres bénies pour le nombre et la qualité de ses imprimeurs, le nombre de ses savants et la gloire des universités et enfin un climat de tolérance unanimement célébré. [...]
[...] Universelle, la République des Lettres diffère des États nationaux, de plus en plus fermement cloisonnés. La République des Lettres non seulement tranche sur les États contemporains qui renvoient, eux, au particularisme et au morcellement, mais encore par cette revendication même, elle les transcende. Or elle entretient avec ceux-ci des liens étroits : elle est un État répandu dans tous les États (Pierre Desmaizeaux). Au moment où l'appartenance à des États nationaux et confessionnels se fait de plus en plus étroite, des savants proclament volontiers leur double allégeance à la terre où ils vivent et à la République des Lettres. [...]
[...] Cet essor est gêné par les guerres civiles qui secouent l'Europe et par le renforcement des cloisonnements nationaux. La République des Lettres est pensée comme un État idéal par l'État réel : un État uni qui ignore théoriquement les conflits et les frontières et où règnent, seules, la paix et l'harmonie. Les controverses religieuses et confessionnelles du XVIème siècle, rassemblant autour d'une même cause des talents dispersés, contribuent à la prise de conscience d'une communauté au sein du monde savant. [...]
[...] Ils rendent au monde savant d'immenses services, d'où leurs rapide multiplication. Les savants écrivent beaucoup sur eux-mêmes, sur leur statut dans la société du temps, sur les rapports avec les autorités en place. D'autres écrits tout aussi nombreux s'appliquent à saisir le monde savant dans sa dimension collective. On édite des recueils qui regroupent plusieurs vies. Il se publie à travers toute l'Europe des recueils de portraits. Des ouvrages tentent d'écrire l'histoire de la communauté savante et celle du savoir. [...]
[...] La République des Lettres est bien représentée dans les universités. La création de nombreuses universités entraîne l'augmentation du nombre de postes d'enseignants et donc des possibilités pour un savant de trouver un emploi. Le préceptorat est pour des savants peu fortunés et en début de carrière le moyen d'entrer dans la République des Lettres, en tirant avantage du rituel voyage d'éducation qu'ils accomplissent en compagnie de leurs élèves. Le développement des périodiques s'accompagne de l'émergence d'un emploi promis à un grand avenir : journaliste. [...]
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