[...]
La relation autour des soignants est particulière. Au départ, ils représentent une menace pour l'intimité, il s'agit de s'en préserver. Les soignants sont vus comme appartenant aux camps des gardiens donc il ne faut pas se confier pour faire en sorte que l'administration pénitentiaire ne sache rien. En plus, les détenus reprochent aux soignants de cautionner un régime qu'eux rejettent. Il y a une véritable crainte de collusion.
[...]
En pratique, les détenus souhaitent que cette croyance soit fausse en demandant implicitement aux soignants de choisir leur camp. Pour cela ils cherchent le moindre indice de résistance des soignants vis-à-vis de l'administration pénitentiaire ou d'eux-mêmes. Si les détenus pensent que les soignants sont du côté de l'administration, cela peut constituer un obstacle aux missions de santé publique. Pour les détenus, le risques sanitaire compte peu au regard du risque de sanction à cause des soignants. Les soignants doivent donc faire preuve de tact dans la prévention.
À cela s'ajoute la méfiance du fait que les soignants soient des personnes libres à l'opposition d'eux qui sont enfermées. Ils ont peur de la connivence avec les agents pénitentiaires. Les relations cordiales entre soignants et agents sont vécues comme des marques de complicité auxquelles les détenus sont exclus. Or la prison est un lieu de sociabilité pour les professionnels, où s'élaborent des relations entre collègues et parfois amicales. Mais les détenus attendent un même comportement de soignant avant, pendant et après les soins. Donc les professionnels disposent d'un lieu spécifique pour se retrouver, hors d'atteinte des regards profanes. C'est les coulisses où on peut baisser la tension, faire de l'humour qui serait mal perçu face aux détenus. Le soignant doit donc maitriser cette différence entre espace public et les coulisses. Il en va de la considération que les détenus leur accordent. Les couples mixtes (personnel pénitentiaire avec soignant) posent problèmes, symbole de connivence pouvant glisser dans la collusion. La préservation du secret médical est source d'inquiétude. Et cela renvoie à leur privation de relations affectives et sexuelles avec les femmes (...)
[...] Ceci est amplifié en prison avec la survirilité carcérale c'est-à- dire avoir un ensemble de conduites visant à rendre supportable l'enfermement, fondé sur la mobilisation du corps. Il y a donc aussi un mode de résistance à l'ordre pénitentiaire et permet un refoulement de l'impuissance et de la dépendance accrue aux familles et surtout aux femmes. La survirilité peut être entachée par la maladie vue alors comme trahison du corps imposant l'entrée dans un protocole de soins. Certains vont alors rompre avec les formes les plus brutales de la sociabilité carcérale. [...]
[...] Ces marques d'attention sont autorisées quand elles émanent des femmes et presque interdites par des surveillants. Il y a une opposition rejouant l'opposition femme et homme. Cette relation abaisse les tensions. Les patients Certains, notamment les toxicos, utilisent les services médicaux pour un usage utilitaire, obtenir des antalgiques ou psychotropes. D'autres, faux patients, gonflent la charge de travail par leur ''bobologie''. Cela oppose régulièrement infirmière et surveillant. Les soignantes ont l'impression d'être avalées par le système pénitentiaire et la bobologie. [...]
[...] Or ce détenu ne s'habitue pas à cette violence instrumentalisée, à cette participation plus ou moins contrainte ou à l'observation passive des sévices subis pour les détenus classés comme faibles. Les soignantes sont des ressources pour affronter l'ordre violent de la prison. Les détenus fréquentant régulièrement les services médicaux et échangeant des saluts personnalisés avec les personnels sont potentiellement classés comme fayots. Ceux sont les faibles associés aussi aux délinquants sexuels. Ils tendent à constituer un réseau protecteur ailleurs que dans la prison. Ils font un usage particulier des services médicaux. [...]
[...] Ils investissent des relations avec les soignantes, rompent avec certains rapport au corps ou recréent des rôles affectifs en protégeant les plus faibles. Les faibles eux peuvent trouver salut dans la maladie et une instauration de complicité avec les soignants, d'autres se frustrent. La survirilité est associée aux caïds, ils donnent le ton dans certaines prisons. La pression collective qui leur est conférée tend à discréditer le recours aux soins des femmes sauf si cela participe à la réassurance masculine grâce à la drague contrôlée. [...]
[...] Le portrait des soignantes par les détenus. Les soignantes sont assimilées à l'écoute et au relationnels, à leur humanité comme féminité naturalisée. Cette recherche peut s'inscrire dans les questions sociologiques sur l'intégration des valeurs dites féminines de patience, écoute, attention dans la compétence professionnelles des soignantes. Il y a un travail sur les sentiments. Cela constitue en effet un élément fondamental de l'exercice professionnel car il permet une autonomie dans la relation. Elles sont opposées aux relations d'autorité et de négociations des agents pénitentiaires. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture