Dès sa parution en 1549 à Paris chez Arnoul l'Angelier, la Défense et Illustration de la langue française fait grand bruit dans le monde littéraire de cette moitié du XVI° siècle en annonçant une rupture radicale, un rejet quasi systématique de tout ce qui a été écrit jusque-là en français et qui est considéré comme obsolète. Suite à la politique en faveur du français menée par François Ier puis Henry II et notamment au traité de Villers-Cotterêt, en 1539, qui impose le français dans les textes officiels, la bataille du français est gagnée mais le latin reste langue de diffusion européenne, langue de savoir, langue de prestige. La Défense se veut le manifeste d'une jeune école poétique qui entend s'imposer sans détour, illustrer la langue vulgaire, l'enrichir, démontrer ses qualités pour donner ses lettres de noblesse à une littérature écrite en français.
[...] Le ton de la Défense est celui de la proclamation enthousiaste, voulant soutenir la gloire nationale, présentant l'éclat de la langue et la poésie comme le meilleur moyen de la faire rayonner. Si elle s'adresse à un public cultivé, de manière plus ou moins directe, lecteur ami des Muses françaises notre poète , l'œuvre reflète une mentalité jeune et ardente. Mentalité certes bien orgueilleuse balayant un peu vite l'héritage médiéval, mais tournée vers l'avenir, et dont le postulat général n'est autre que Tout reste à faire page 3 sur 10 II) L'éloquence au service des idées La Défense est construite en symétrie, elle est composée de deux livres, le 1er contenant 12 chapitres qui traitent plus particulièrement de la douceur de la langue vulgaire et de son émancipation par rapport aux langues classiques, le second livre contient également 12 chapitres qui seraient plutôt une poétique dans laquelle se trouvent des principes fondamentaux. [...]
[...] Pourtant, malgré quelques remarques sur le sonnet, l'ode ou l'épopée, Sébillet traite encore systématiquement des vieux genres (rondeau, chant royal, ballade ) et il propose comme modèles Marot, Scève, Héroët, et fait donc pâle figure à côté de Du Bellay qui rompt nettement avec le passé et qui inaugure par ses éclats une ère nouvelle. Pour Saulnier, dans Du Bellay, "c'est un écrit polémique ( ) surtout un manifeste : et le 1er dans notre langue des manifestes modernes". De manière pour le moins orgueilleuse, la Défense condamne presque systématiquement tout ce qui a été écrit en français jusque-là et balaye un peu vite toute la littérature médiévale, les grands rhétoriqueurs ou encore Marot que Du Bellay assimile aux poètes du Moyen Age en ne lui reconnaissant pas sa part d'invention. II,2. [...]
[...] Une comparaison du chap. I,2 prouve au lecteur qu'en toutes manières de vivre, "nous ne sommes rien moins que" les peuples de l'Antiquité, et que notre civilisation est ainsi prête à accueillir une grande langue. Tout au long du chap. le ton impérieux employé par Du Bellay convainc le lecteur de la richesse de la langue, richesse encore mise en valeur par la dépréciation des autres langues qui sont illustrées par des variations amusantes et des images fortes : "nous ne les étranglons pas de la gorge représente "nos paroles"), comme les grenouilles, nous ne les découpons pas dedans le palais comme les oiseaux" Enfin pour que les français estiment leur langue, Du Bellay pense qu'il faut s'adresser directement à eux, les faire participer à la démonstration. [...]
[...] L'alternance des rimes féminines et masculines s'impose peu à peu et la strophe doit former un tout harmonieux. Enrichir le français, c'est avant tout le travailler, propos illustré par "l'agriculteur" qui doit s'occuper de faire croître la plante. Même si elle porte déjà en elle ses richesses, elle ne peut pas éclore dans toute sa splendeur sans aide. La métaphore filée de l'organisme vivant susceptible d'être cultivé s'étend sur plusieurs chapitres. Par exemple au chap. on peut lire : "Ainsi puis-je dire de notre langue, qui commence encore à fleurir sans fructifier" et au chap. [...]
[...] page 6 sur 10 III) Y a-t-il vraiment eu rupture ? La Défense, avant de devenir un livre, a d'abord été un "petit avertissement au lecteur", une préface, celle de l'Olive et avait pour fonction de justifier la nouvelle poétique, afin que le lecteur ne la trouve pas "étrange et rude", pour reprendre les termes de Du Bellay. Mettant en pratique de nouveaux principes, l'étonnante éclosion poétique du groupe de lettrés réunis autour de Ronsard et de Du Bellay marque le début de la littérature moderne. [...]
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