Créée et publiée en 1953, cette pièce de théâtre en deux actes de Samuel Beckett a été jouée sur de nombreuses scènes à travers le monde. Passionnément applaudie comme dénigrée, elle a rendu son auteur célèbre.
Roger Blin, qui fut le premier à monter cette pièce, a déclaré à son propos: "Le spectacle a eu une centaine de représentations, puis, la pièce a été reprise plusieurs fois à Paris, j'ai présenté Godot à Zurich, en Hollande, en Allemagne (...)
[...] Vladimir et Estragon imitent Pozzo et Lucky, les personnages rencontrés la veille. C'est alors que ces deux derniers refont leur entrée. Cette fois, Pozzo est aveugle et Lucky muet. Un événement étrange se produit: le garçon messager de la veille leur rend visite et informe les protagonistes que Godot, une fois de plus, ne se présentera pas le jour même. Les vagabonds songent alors à se pendre, mais la ceinture d'Estragon est trop fragile pour qu'ils puissent mettre leur plan à exécution. [...]
[...] Ils ne donnent pas l'impression de converser pour construire et transmettre des idées, des pensées, mais uniquement pour combler un vide et exister. Cet ensemble de paroles qui n'ont ni queue ni tête leur procure une existence qu'ils ne trouvent pas dans leur vie (amis, familles,travail). Il en va de même avec le concept même de leur attente. Le monologue de Lucky est également très intéressant dans cette perspective; on devrait presque parler d'un alignement de mots dépourvus de sens. Parfois l'auteur introduit une rupture en y insérant des mots décalés par rapport au contexte: mots savants, obscènes ou simplement argotiques. [...]
[...] C'est bel et bien cette absence de sens qui fait la force de la pièce. Cette perte de sens se ressent aussi dans la manière de concevoir le temps. Celui-ci est déréglé; parfois il passe à une vitesse fulgurante, d'autre fois il est tout simplement figé. Ainsi la mémoire de la veille, dans le second acte, est-elle quasiment effacée de la mémoire des personnages, à l'exception de Vladimir. D'autres éléments paraissent improbables, telles les feuilles de l'arbre ayant poussé en une journée, ou les nouveaux handicaps de Pozzo ( aveuglé) et Lucky (qui a perdu la parole). [...]
[...] Samuel Beckett disait lui-même de son personnage qu'il ne savait pas qui il était. Malgré tout, Godot conserve son caractère de solution miracle, de dernier espoir pour les vagabonds; faute de mieux, il est en tout cas celui qui pourrait mettre fin à leur situation. Son nom a inspiré de nombreux débats. On peut souligner quelques significations : God signifie Dieu en anglais ( avec toujours cette idée de sauveur); un godillot désigne une chaussure ( la même peut-être qui fait tant souffrir Estragon) . [...]
[...] Le choix par Beckett du prénom Pozzo est très intéressant; il signifie puits en italien, ce qui pourrait définir le personnage comme une incarnation de la bassesse de l'humanité. Lucky Il est l'esclave de Pozzo. En apparence soumis et constamment insulté par "son maître", il semble au premier abord incapable de penser par lui-même. Mais lorsque Pozzo lui ordonne de penser à voix haute, il semble soudain, à travers son flot de paroles incohérentes, tenter de se vider de tout ce qui l'habite. Lucky signifie "Chanceux" en anglais; ce paradoxe rappelle l'absurdité de la pièce. [...]
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