Balzac écrit Massimilla Doni en 1837, entre deux versions du Chef-d'œuvre inconnu, œuvres qu'il réunit dans les Etudes philosophiques. C'est au cours d'un voyage de cinq jours à Venise qu'il trouve son inspiration. Balzac est amoureux de l'Italie, du mouvement qui la rythme : « Ainsi va la vie italienne : le matin l'amour, le soir la musique, la nuit le sommeil ». Il adore l'art de vivre des Italiens, la naturelle distinction des aristocrates italiennes qui vont à l'opéra pour trembler avec la musique, la spontanéité de ces femmes. Massimilla Doni est un hymne à l'amour ce pays : on y trouve plusieurs régions représentées : tout d'abord évidemment Venise, mais aussi la Sicile avec Clara Tinti, Naples par l'intermédiaire du duc de Cataneo et autres encore. Non seulement Balzac salue l'Italie, mais il va même jusqu'à se révolter contre les fatalités de sa propre œuvre qui est faite de la culture française et parler d' « un des grands vices du caractère des Français » qui est de « croire que, hors la France, il n'existe plus rien ». Il y a pour lui beaucoup à découvrir et à apprendre des pays étrangers, et notamment de l'Italie. Toute la Comédie humaine en est un hommage, mais plus particulièrement cette nouvelle qui ferme le cortège des récits italiens déclinant depuis la suppression des préfaces de l'édition Furne. Mais c'est aussi le grand musicien Rossini qui stimule l'écrivain à rédiger la nouvelle : l'amitié qui les lie est fondée sur une confiance réciproque mais exprimée par la seule voix de Balzac. Le silence de Rossini est aboli par l'interprétation de son opéra Mosè dans Massimilla Doni.
Balzac aime aussi en Italie la liberté qui permet aux arts de s'épanouir tandis que l' « ignoble et bourgeois libéralisme » français les tue. En effet, en France au XIXème siècle, s'effectuent de considérables changements, tant politiques que sociaux et culturels, auxquels les auteurs ne peuvent rester insensibles. L'avancée des sciences, le capitalisme, l'émergence de la bourgeoisie créent un nouveau monde. Et Balzac, extrêmement sensible à ce changement, écrit à ce sujet. Il entreprend alors son projet monumental qui a pour but d'étudier les hommes, leurs comportements, leurs sentiments,…de quoi ils sont véritablement faits. L'œuvre doit toute entière analyser « les hommes, les femmes et les choses, c'est-à-dire les personnes et la représentation matérielle qu'ils donnent de leur pensée ; enfin l'homme et la vie ». Son ambition est totalisatrice car il croit en l'unité de composition du vivant. Il a à la fois le souci d'exhaustivité et la vision d'un système. Il veut, par son écriture, influencer le cours des choses, par la pensée ou par l'action directe.
Balzac travaille alors à la réalisation de ce projet sans répit : il écrit, corrige sans arrêt, réécrit, jamais satisfait de son travail. « Hier, j'ai travaillé 19 heures, et aujourd'hui il en faut travailler 20 ou 22. C'est la copie qui me mène, il en faut 16 ou 20 feuillets par jour, et je les fais et les corrige », « j'ai toujours écrit 15 à 16 fois la même page ! » disait-il. Il s'agit là d'une quête infinie de la perfection, d'une recherche incessante de l'Idéal, qui le mène à la mort par épuisement. C'est cela la matière des Œuvres philosophiques, c'est cela l'histoire de Massimilla Doni : la recherche perpétuelle de la perfection, que ce soit dans l'Art ou dans l'amour, brûle notre capital énergétique, tout comme le capitalisme consomme des quantités d'énergie. C'est la clé de voûte de toute l'œuvre romanesque de Balzac. Selon lui, toute action est le fruit de la volonté, l'énergie vitale de l'être humain. Mais celle-là étant limitée et condamnée à l'extinction, il faut faire attention à sa consomption. Vivre, c'est se détruire. Toute force entraînant sa perte, si l'on canalise toute son énergie dans une poursuite après la perfection inaccessible, on s'épuise. Et c'est ainsi que l'artiste est brûlé, car il veut atteindre le beau, et qu'au moment où il peut ou croit avoir pu le saisir, il est détruit. « Vouloir nous brûle et Pouvoir nous détruit ; mais Savoir laisse notre faible organisation dans un perpétuel état de calme ». Balzac illustre lui-même sa théorie, dominé par son éternelle satisfaction, victime de sa création qui lui coûte la vie.
[...] Massimilla Doni est, comme toutes les autres Etudes philosophiques, la continuité de la Peau de chagrin. S'entremêlent deux réflexions, l'une sur les arts, l'autre sur l'amour, mais qui se rejoignent sur le fond puisque toutes les deux portent sur les relations entre l'Idéal et le réel, entre le céleste et le terrestre. Ainsi, Massimilla Doni illustre la théorie selon laquelle la pensée déployée engendre le désordre dans l'âme de l'artiste, selon laquelle même l'Art arrive au suicide. L'artiste est un créateur dont l'énergie n'a de justification que dans la mesure où elle rend compte de la profonde connivence entre les arts, ou qu'elle établit une relation entre le visible et l'invisible, entre la Pensée et la Matière. [...]
[...] Belle et sainte Massimilla incarne la figure céleste de l'ange, de la même façon que Pauline est l'ange de son Raphaël. Clara Tinti, la Magdeleine de Raphaël, l'animal dans tous ses états[48] dans spectacle composé par le diable fait penser à Foedora, la figure du démon : objet de tous les désirs, entourée par les hommes qui la convoitent, séduisante et perverse. Ce sont les deux faces contradictoires de l'amour, les archétypes de la femme balzacienne. D'un côté l'ange qui élève vers les cieux, de l'autre le démon qui attire par ses aventures terrestres. [...]
[...] Balzac, qui tente de relever ce véritable défi pour un écrivain, utilise alors une sorte de paraphrase de la narration du livret de l'opéra. Mais le médecin français reproche à Massimilla Doni, et par la même à Balzac de ne pouvoir toucher la musique que par le biais de l'analogie : vous m'avez parlé souvent de la couleur de la musique, et de ce qu'elle peignait ; mais ( ) je suis toujours révolté par la prétention qu'ont certains enthousiastes de nous faire croire que la musique peint avec des sons. [...]
[...] Ici, le renoncement porte sur l'Idéal dont les personnages ont la nostalgie. Cette compulsion de répétition qui est établie par le caractère idéaliste de la passion s'appelle la pulsion de mort[100]. Ainsi, la passion des personnages, par son attirance pour le divin et par sa volonté de conserver l'Idéal qu'elle s'est donné pour objet, semble s'unir à la mort. Bibliographie - le Chef-d'œuvre inconnu, Gambara, Massimilla Doni, Balzac, Garnier- Flammarion. - la Peau de Chagrin, Balzac. - Etudes sur M. Beyle, Balzac. [...]
[...] Le Chef-d'œuvre inconnu, Balzac. Voir la partie Les correspondances. Massimilla Doni, p226. Massimilla Doni, p207. Massimilla Doni, p207. Lettre de Balzac à Mme Hanska, le 20 octobre 1837. Nicole PIANELLO, dans Analyses et réflexions sur Balzac : le Chef- d'œuvre inconnu, Gambara, Massimilla Doni. Massimilla Doni, p190. Massimilla Doni, p193. Pierre AUREGAN, dans Analyses et réflexions sur Balzac : le Chef- d'œuvre inconnu, Gambara, Massimilla Doni. [...]
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