Fénelon connut le sommet de sa carrière lorsqu'il se vit confier l'éducation de celui qui, à l'époque, était destiné à devenir futur roi de France : le Duc de Bourgogne. Dans le but de former le prince au gouvernement, Fénelon rédigea l'œuvre qui lui valut un immense succès mais qui le plongea également au coeur d'une intense querelle : Les Aventures de Télémaque. Tour à tour admirée et controversée, cette œuvre connut un vif intérêt de sa parution en 1799 à la seconde guerre mondiale, avant de tomber totalement en désuétude. Voltaire écrivit ainsi dans Le Siècle de Louis XIV : « Fénelon (…) composa ce livre singulier qui tient à la fois du roman et du poème, et qui substitue une prose cadencée à la versification. Il semble qu'il ait voulu traiter le roman (…) en lui donnant une dignité et des charmes inconnus, et surtout en tirant de ces fictions une morale utile au genre humain ; morale entièrement négligée dans presque toutes les inventions fabuleuses. » Il semble donc que Fénelon au travers de son œuvre innove par bien des aspects. Ainsi de quelle manière parvient-il à mêler deux genres aussi distincts à l'époque que roman et poésie ? Par ailleurs, en quoi la morale se pose-t-elle en objectif prioritaire de la fiction et en quoi cette morale est-elle particulière ?
[...] Le Télémaque dut par ailleurs son succès à son style. C'est là qu'est sa plus grande réussite et l'on trouve dans ce –oserais-je dire ‘‘roman'' de nombreux passages fort bien écrits dont la musicalité n'a rien à envier à celle des vers, comme on peut le constater au treizième chapitre, lors de la description du bouclier de Télémaque : on en voyait sortir un cheval fougueux. Le feu sortait de ses yeux Il ne marchait point, il sautait à force de reins à la vue d'un loup affamé, qui, d'une gueule béante et enflammée, s'élance pour les dévorer. [...]
[...] La fiction est donc au service de la persuasion intellectuelle. Par ses aléas anecdotiques, par les liens qu'elle trace entre histoire particulière et vérités générales, elle permet d'éviter la formation d'énoncés dogmatiques et de justifier la Vérité. Ainsi donc, la fiction, illustration de la morale ? C'était bien, semble-t-il, le but principal qui était visé et cela était rare, il est vrai, au sein d'une création littéraire (du moins à l'époque). Nous émettrons toutefois des réserves quand à la citation de Voltaire qui spécifie que cette morale [était] entièrement négligée dans presque toutes les inventions fabuleuses Pour se cantonner dans un premier temps aux familles étymologiques, les Fables d'Esope ou de La fontaine tendent déjà par leur définition littéraire même, vers cette Morale. [...]
[...] Au travers des Aventures de Télémaque, Fénelon apparaît donc souvent comme un précurseur des grands philanthropes du XVIIIème siècle, c'est à dire des Lumières. En ultime analyse, il semblerait donc que l'œuvre de Fénelon soit riche et singulière sur plusieurs niveaux. Ayant réussi à mêler pour la première fois roman et poésie, elle relève de la prouesse stylistique pour l'apport qu'elle fit à la prose française. Mais ce style même est au service de ce qui semble préoccuper Fénelon au plus haut point : la Morale. [...]
[...] En effet, Les Aventures de Télémaque se découpent en chapitres, paragraphes et phrases et non en vers et strophes. Toutefois par divers côtés l'ouvrage se rapproche bel et bien de la poésie ; par son sujet d'abord, puisque la Télémachie suit directement la ligne thématique de l'Odyssée. Or l'épopée homérique n'était-elle pas la référence poétique mère du temps des Anciens ? Durant toute l'Antiquité hellénistique et même romaine, elle conserva le titre incontesté de modèle à imiter, seule œuvre du ‘‘programme scolaire'' on l'étudiait sous toutes ses coutures, elle avait par ailleurs la prédilection des concours déclamatoires. [...]
[...] Rien d'étonnant à ce que Les Aventures de Télémaque, sorte de pionnier du ‘‘genre'' aient donc trouvé grâce à ses yeux. Mais si l'interprétation de la fiction est étroitement liée au projet pédagogique, elle l'est aussi à une portée bien plus générale Voltaire fait effectivement référence à une morale utile au genre humain Il est vrai que de nombreuses ‘‘morales'' seraient dans le Télémaque profitables à l'évolution de tout un chacun, comme cet extrait du premier livre nous l'indique : Je n'ai garde de vous reprocher la faute que vous avez faite. [...]
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