Nous autres modernes, Alain Finkielkraut, homme moderne
L'homme moderne s'affranchit de l' autorité des Anciens pour exprimer son refus de se voir assigner définitivement à sa position. Finkielkraut voit la première apparition de la modernité à travers le récit de la Genèse de Pic de Mirandole (1492). « Tu te définis toi-même » annonce Dieu à Adam, proclamant ainsi l'indépendance de l'humanité.
La modernité fait des hommes les artisans de leur propre Histoire et place ainsi l'humanité dans un mouvement vers l'avant. Dès lors, la vérité ne doit plus être recherchée dans les écrits normatifs mais devient le fruit de l'expérience, elle est « fille du Temps et non de l'Autorité » (F. Bacon).
[...] As-tu jamais adouci les souffrances / De l'homme accablé? lance Prométhée à Zeus. L'homme ne reconnaît plus le caractère absolu de la limite, il entreprend l'infini écrit Hugo dans Les Travailleurs de la mer. Avec la modernité, l'homme réplique à la limite par l'enjambement Cette volonté d'enjamber les limites modifie l'ensemble des activités humaines. C'est le cas notamment du sport, dernier lieu moderne de libération contrôlé de la violence, comme le montre le sociologue Norbert Elias. Alors que les grecs envisageaient la compétition sportive comme un idéal d'harmonie du corps, elle se confond désormais avec l'ambition d'aller toujours plus loin, d'établir sans cesse de nouveaux records. [...]
[...] S'il convient de souligner les limites et même les dangers de la subordination de la science à ses aspects utiles, il semble difficile de la priver de toute dimension concrète. Comment ne pas se réjouir des progrès de l'humanité permis par les sciences et, notamment, de ceux qui ont permis, comme le souhaitait Descartes, de mieux assurer la conservation de la santé Comme le montre Pascal dans sa Préface pour le Traité du vide, le propre de l'homme, au delà même de la science, est de s'insérer dans un développement historique. [...]
[...] Il y voit même un espoir de réconciliation des deux mondes. Les sciences économiques, l'ethnologie, la sociologie, héritières de la mathesis universalis des Lumières, adoptent une méthode rigoureuse et logique mais embrassent, comme les lettres, la diversité des cultures humaines. Pour autant, poursuit Alain Finkielkraut, ce rapprochement ne doit pas nous réjouir. En nous apprenant que toute culture humaine est nécessairement arbitraire et ne saurait dépeindre l'humanité dans son ensemble, les sciences sociales désavouent la quête de l'universalité entreprise par les sciences et ouvrent la voie au relativisme culturel. [...]
[...] les athlètes sont prêt à utiliser les moyens les plus discutables. Le dopage permis par la chimie et la biologie modernes devient la condition de la performance. L'humain laisse place au post-humain Là où était le donné, pullulent désormais les artefacts. L'homme moderne, en se situant au cœur de toute création, provoque l'éclipse de la nature Les paysans, autrefois soumis aux aléas climatiques et contraints au respect des cycles saisonniers, sont devenus des exploitants agricoles. Tout doit désormais être pensé en gains de productivité : élevage en batterie, modifications génétiques. [...]
[...] Chez les grecs, la pensée historique échappe à toute historicité. Pour Hérodote, le discours sur l'Histoire doit immortaliser les événements en vue de dégager des vérités objectives et naturelles qui échappent à leur époque. C'est la Bible qui introduit la première périodisation finalisée. Dans l'Ancien Testament, Daniel connaît la révélation et annonce sa prophétie au roi Nabuchodonosor. L'empire, qui est aujourd'hui l'empire d'or, est sur le point de dépérir. Il deviendra l'empire d'argent, de bronze, puis de fer, ce dernier amorçant sa propre destruction. [...]
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