Vincent Colonna est narratologue, écrivain, philosophe, spécialiste des théories littéraires. Il est né à Alger en 1958, après des études de philosophie il écrit une thèse pour l'EHESS sur l'autofiction. Il a été journaliste, a écrit des romans comme Yamaha d'Alger ou ma vie transformiste. Dans le présent essai, l'auteur tente de clarifier le concept d'autofiction, alors que le terme est souvent employé avec des acceptions diamétralement opposées, pour louer ou conspuer le genre. Vincent Colonna est sans doute animé de la volonté de prendre de la hauteur de vue pour analyser ce sujet : cela passe par une analyse plus historique que contemporaine de l'autofiction. Grâce à un style plus libre qu'académique, l'auteur rend accessibles ses idées à un public plus large que d'habitude. Après avoir fait voyager le lecteur à travers plus de 6000 ans de littérature, l'auteur revient dans la polémique, et fort de son érudition, constate l'injustice d'une partie des détracteurs de l'autofiction, avertit de la pauvreté d'un certain type d'autofiction contemporaine et fulmine les errances de la narratologie contemporaine.
L'auteur décide d'écrire cet essai pour clarifier le terme d'autofiction, il montre que ce genre existe depuis le début de la littérature. La polémique autour du terme d'autofiction utilisé tant par ses détracteurs que par ses partisans est le thème central de cet essai. Le terme d'autofiction recouvre une définition des plus larges selon le dictionnaire ou l'écrivain. L'auteur décrit dans un style assez romanesque sa démarche de chercheur, sa volonté de sortir du style universitaire pompeux pour toucher le fond de la question de l'autofiction. D'après lui Lucien est le premier à écrire une autofiction, puisque dans son œuvre se retrouvent tous les types autofictionnels existants.
[...] Premièrement si l'on en croit l'auteur, la différence entre l'autofiction et le roman autobiographique réside dans la part restreinte d'invention au sein du roman autobiographique. De même, la différence entre un roman et une autofiction réside dans la présence visible de l'auteur dans l'autofiction, ce qui serait moins le cas dans un roman. Les frontières sont mouvantes entre les genres. L'auteur compare l'autofiction à une nébuleuse ce qui expliquerait le caractère flou des bornes de l'autofiction, pourtant au fil de l'ouvrage l'auteur semble vouloir démontrer que l'autofiction est une posture d'écrivain (surtout dans le dernier chapitre légende d'auteur). [...]
[...] Lucien semble avoir ainsi inventé l'autofiction biographique comme dans le songe où il explique comment il a reçu sa vocation. Dans le pêcheur et les ressuscités, il semble bien avoir aussi inventé l'autofiction spéculaire, puisqu'il se justifie dans cette fiction de ses écrits passés. L'auteur explique son détour par Lucien pour expliquer le phénomène d'autofiction dont Lucien semble être le fondateur ou pour le moins un précurseur de l'autofiction fantastique, biographique et spéculaire alors que l'idée de vie privée et l'individualisme n'existaient pas. [...]
[...] L'autofiction autoriale crée ainsi une superposition de fiction : l'auteur tient l'histoire du narrateur qui n'est pas acteur de l'histoire contée. Cela donne assurément une vision onirique de la littérature puisque dans l'œuvre, le monde s'offre à la contemplation en effaçant les limites ontologiques que sont le temps et l'espace. Après avoir analysé ce procédé, l'auteur défend une vision du narrateur, ce dernier ne pourrait pas être coupé de la figure de l'auteur comme dans la narratologie contemporaine. Cette façon de voir le narrateur indépendamment de l'auteur ne permet pas d'analyser de façon pertinente l'autofiction intrusive. [...]
[...] Les deux genres étant difficilement différentiables. Rousseau est le premier à jouer habilement avec l'attente de personnification entre le héros et l'auteur, puisque dans les différentes préfaces de La nouvelle Héloïse l'auteur reste assez évasif sur la nature de l'œuvre : fiction ou réalité ? Ce procédé a été repris par les romantiques comme Goethe, Chateaubriand, Byron. Cette évolution modifie le rapport entre l'auteur et le lecteur, puisque l'ouvrage est perçu comme une confession intime, le lecteur attend beaucoup plus d'un ouvrage qu'avant, c'est donc l'apogée du roman intime et de sa forme subjective. [...]
[...] Or le mimétisme qui happe la réalité comme l'identité (le propre de la fabulation de soi, et donc de l'autofiction) est aussi important pour Vincent Colonna que le style pour forger une œuvre littéraire. Nabokov explique dans une petite fable la naissance de la fabulation de soi et de la littérature, elle serait née le jour où un petit australopithèque aurait pour la première fois crié au loup Vincent Colonna se propose de continuer la fable théorique sur cette anthropologie de la fabulation. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture