Auprès de moi toujours est un roman dystopique moderne, dont l'écriture autant que le fond prêtent à l'analyse. Il s'agit ici d'évoquer les grands enjeux de l'oeuvre: l'amitié, l'humanité, la mémoire, l'héritage, la connaissance, le bonheur, et de souligner la profonde qualité philosophique et littéraire du texte.
[...] Leur but est de prouver qu'ils sont humains, alors que le lecteur, lui, n'en a jamais douté. Cela m'a conduit à m'interroger : à la fin du livre, Hailsham a disparu, au profit d'instituts inhumains où les donneurs sont élevés sans possibilité de se considérer autrement que comme des bêtes d'élevage. Et pourtant, cela ne vaut-il pas mieux ? Car, rétrospectivement, Hailsham n'était-elle pas l'école la plus cruelle de toutes, celle qui incite les enfants à s'aimer, à apprendre, à penser, pour ensuite les envoyer dans le monde réel où leur destin funeste est déjà tout tracé ? [...]
[...] Kath, Ruth, Tommy et tous les gens qu'ils ont connus, aimés, sont nés pour donner leur vie, et c'est irréversible. Pourtant, le seul fait même de regarder Kath dépeindre ce monde comme par petites touches successives de peinture sur une toile, cela donne un sens nouveau au rendu final. Ainsi, j'ai été extrêmement touchée par ces quêtes qui n'en sont pas vraiment : quand Kath et Tommy cherchent à prouver leur amour l'un pour l'autre, quand Ruth cherche son « modèle » ou encore quand Tommy cherche à prouver par sa peinture qu'il a réellement une âme. [...]
[...] Je pense en fait avoir été bouleversée par ce livre car j'ai été sensible à son intense cruauté. Rétrospectivement, je ne peux m'empêcher d'être saisie par le contraste entre cette écriture simple d'une narratrice résolue et le fond de l'histoire qu'elle dépeint. Car la vérité éclate à la fin : nous lisons les derniers mots d'une condamnée, son œuvre autobiographique qu'elle laisse au monde pour se prouver avant tout à elle-même qu'aux autres qu'elle a été quelqu'un. Dans un monde où elle n'est qu'un corps élevé pour sauver d'autres vies par le don d'organe, parler de son passé est une manière pour Kath de prouver que son existence n'a pas été vaine. [...]
[...] Ce sentiment de malaise perpétuel dans la lecture trouve ainsi à la fois son apogée et d'une certaine manière sa réponse à la fin : le livre semble nécessiter en lui-même une forme de réminiscence. De la même manière que Kath, au crépuscule de sa vie, regarde en arrière, s'y accroche pour se remémorer son enfance idyllique à Hailsham et les gens qu'elle a aimé, nous nous tournons vers ce qui a été et comprenons en même temps qu'elle sa signification. Il s'agit ici d'une magnifique réflexion sur le passé, qui ne prend sens que relativement au présent et au futur que l'on envisage. [...]
[...] Auprès de moi toujours a été pour moi ce genre de livre. Au-delà de la portée stylistique magnifique de l'ouvrage, dont l'écriture en apparence minimaliste révèle en fait des trésors d'empathie et d'humanité, j'ai choisi ici de me concentrer davantage sur la construction même du roman, permettant un dévoilement aussi cruel qu'infiniment subtil. Auprès de moi toujours m'a poursuivie en pensée pendant des semaines, et je n'ai eu de cesse de me demander pourquoi il me touchait autant. Pendant toute ma lecture, et ce depuis les tous premiers mots, j'ai eu la gorge serrée. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture