Julien Gracq, auteur de romans contemporain, a fait malheureusement l'actualité récemment, puisqu'il est décédé le samedi 22 décembre 2007. Écrivain hors-norme, puisqu'il avait refusé le prix Goncourt en 1951 pour le rivage des Syrtes, qui malgré son édition limitée, fut un succès. Ce roman décrit les derniers instants de la principauté d'Orsenna, avant sa destruction par le royaume du Farghestan. Gracq nous narre cette déchéance au travers d'un héros torturé, Aldo, partagé entre son désir profond de changement et son appartenance à un peuple en décadence, immobile depuis des générations. Aldo sera la chute de son pays, l'élément déclencheur qui fera tomber Orsenna. Dans un autre registre, K, héros kafkaïen du Château, est tout aussi torturé. Arrivé dans un village inconnu au système administratif complexe et statique. Aldo comme K sont prisonniers de leur rôle : Aldo, en tant qu'Observateur au service d'Orsenna doit respecter la paix de principe imposée par une pseudotrêve, tandis que K est emprisonné dans un statut de Géomètre que personne ne lui accorde réellement. Ces deux héros, pour échapper à ces entraves formelles, trouvent refuge dans l'oubli et dans le rêve. Ils sont tous les deux torturés par une attente a priori irréalisable, à part dans un monde onirique. Chacun d'eux passe par des étapes successives avant d'atteindre, pour Aldo une fin tragique, et pour K, une situation infinie, c'est-à-dire sans réelle chute. Comment les deux héros, à travers leur attente inhérente à leur condition, et l'oubli, voyagent-ils dans les méandres du rêve ?
[...] n'eut pas le temps de s'occuper d'eux, la conversation requit toute son attention. On rétorquait : -Joseph ? Les assistants se nomment (un temps, manifestement on s'enquérait des noms auprès de quelqu'un d'autre) . Arthur et Jérémie. -Ce sont les nouveaux assistants, dit K. -Non, ce sont les anciens. -Ce sont les nouveaux, tandis que moi je suis l'ancien assistant, qui a rejoint aujourd'hui M. le Géomètre. - Non, cria le téléphone. [...]
[...] Pour la situation est différente. Il vit dans l'attente depuis qu'il est arrivé au village, mais le roman se termine sur cette attente, K ne parvient pas à résoudre cette attente. Il est dominé par le Château, instance quasi divine qui régit sa vie et dicte sa conduite, même de manière indirecte. II Oublier pour mieux aller vers l'avenir Pour Aldo et pour il s'agit de faire fi du passé, même si cela doit être douloureux, afin de laisser la place à l'avenir, pour mieux aller de l'avant. [...]
[...] Pourquoi est-il fasciné à ce point ? Parce que cela correspond à la souffrance qu'il porte en lui viscéralement. La nature reflète son état d'esprit profond, c'est pourquoi il est en phase avec elle, ressentant même une vibration intime de bonheur L'humanité ne le comprend pas, et il trouve réconfort auprès de la nature, qui seule semble pouvoir comprendre son désir et sa quête. De même, on voit qu'Aldo est un être en souffrance, car il fuit la compagnie des autres hommes, et il semble attiré irrésistiblement vers Agra, vers le sud, par un magnétisme secret qui le pousse inlassablement. [...]
[...] Il recommença donc à avancer, mais le trajet était long. La rue, en effet, cette grande rue du village, ne conduisait pas au Château ; elle s'en approchait seulement, puis semblait dévier à dessein, et, sans s'éloigner de la colline, elle ne s'en approchait pas non plus. K s'attendait sans cesse à ce que cette rue se décidât enfin à obliquer vers le Château, et c'est cet espoir seul qui le soutenait ; manifestement sa fatigue le faisait hésiter à s'écarter de la rue, et puis il s'étonnait de la longueur du village, qui n'en finissait pas ; toujours ces petites maisons, leurs vitres givrées, la neige et pas âme qui vive Pour finir il s'arracha à cette rue qui le retenait, une étroite ruelle s'ouvrit devant lui, la neige y était encore plus profonde, les pieds s'y enfonçaient et c'était tout un travail de les en extraire, K se sentit couvert de sueur, il s'arrêta soudain sans pouvoir continuer. [...]
[...] Une attente qui déforme la réalité. Le métier de K est Géomètre, il a donc été engagé en théorie pour prendre des mesures du village, engagé par le Château, instance pour le moins abstraite, supérieure au village, qui domine de loin, un peu comme un Dieu regarde ses créatures. K doit donc faire une sorte de classement du village, mais il n'en a pas la charge explicitement. À défaut, il mesure la distance entre le Château et le village, pour tromper son attente. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture