Pièce en deux actes et en prose de Samuel Beckett, En attendant Godot a été publiée en 1952 et représentée pour la première fois en 1953. La pièce nous présente deux mendiants, Vladimir et Estragon, qui attendent un personnage nommé Godot qui leur est inconnu, dont ils ne savent pas ce qu'ils attendent de lui, et dont ils ne sont pas sûrs de sa venue. C'est dans ce contexte que s'engage entre les deux clochards une conversation où se succèdent les plaintes, les souvenirs, les interrogations, les escarmouches et leurs réconciliations, sans autre objectif que de faire passer le temps en attendant la venue de Godot.
Le passage étudié constitue l'incipit de la pièce. Nous sommes au début de la pièce, sur une route de campagne où Estragon, rejoint très vite par Vladimir, tente vainement d'enlever sa chaussure. Quelle scène d'exposition se construit ici ?
Nous verrons, dans un premier temps, le caractère particulier de cette scène d'exposition. Puis nous nous attacherons à définir le thème de l'attente qui structure le passage. Enfin, nous étudierons le travail de la théâtralité de Beckett et la nouvelle voie qu'il ouvre au théâtre.
[...] Cependant, l'extrait nous présente deux personnages occupés chacun de leur côté. Ici, Estragon tente tout au long du texte de retirer sa chaussure, ce qu'il rappelle sans cesse, et sur des tons différents : Assez. Aide-moi à enlever cette saloperie (p.10) ; Je me déchausse. Ça ne t'est jamais arrivé à toi ? (p.11) ; (faiblement) : Aide-moi (p.11). Vladimir s'occupe, lui, de son chapeau à la fin de l'extrait. Nous pouvons par ailleurs remarquer ici que le chapeau et la chaussure se répondent à la fin de l'extrait, comme si ce que Vladimir a peut-être sorti de son chapeau était ce qu'il y avait dans la chaussure d'Estragon, ce qui le gênait. [...]
[...] Il s'agit alors, dans cette optique de parler pour ne pas mourir : leur seule raison d'être sur scène est alors de parler. On pourra alors noter les très nombreuses répliques qui n'apportent rien à l'action et qui ne font qu'agrémenter quantitativement les dialogues des deux personnages. De plus, cette scène d'exposition repose sur une angoisse métaphysique de la fin. En effet, ce thème de l'attente est ici intrinsèquement lié au thème de la mort. L'on sait que le théâtre de Beckett développe une interrogation métaphysique sur la fin. Ici, nombre d'éléments semblent aller dans ce sens. [...]
[...] Nous pouvons de plus remarquer le jeu sur une référence à vide qui ne renvoie à rien de vraiment précis mais qui souligne l'affiliation de l'auteur à un corpus universel C'est long, mais ce sera bon. Qui disait ça ? p.11) : le théâtre de Beckett n'est pas un théâtre dégagé du monde. L'importance des didascalies dans cet incipit souligne alors le caractère très écrit et maîtrisé de cette pièce par le dramaturge. C'est enfin un comique du désespoir qui apparaît ici. [...]
[...] Ce qui est certain, c'est que le théâtre de Beckett reste constamment tendu vers la fin, par le simple fait qu'il ne s'y passe rien. C'est pourquoi nous pouvons peut-être alors appréhender cette scène d'exposition comme une scène de clôture. C'est pourquoi cette attente des personnages sur la scène bouleverse les conventions théâtrales : la présence de Vladimir et d'Estragon sur scène n'a de sens qu'à travers l'espoir de la venue de Godot où se mêle une attente dépourvue d'actions et où les propos des personnages sont sans consistances. [...]
[...] Enfin, les deux personnages s'interrogent sur leur présence ici. Ils s'étonnent tout d'abord sur leur rencontre Alors, te revoilà toi. / Tu crois ? / Je suis content de te revoir. Je te croyais parti pour toujours. / Moi aussi. p.9) puis sur la raison pour laquelle ils ne se sont pas suicidés plus tôt, il y a une éternité, vers 1900 (p.10), la main dans la main on se serait jeté en bas de la tour Eiffel (p.10). Il n'y a donc aucune raison a priori pour que ces deux personnages soient réunis sur une scène : c'est une rencontre apparemment fortuite qui témoigne de l'absence d'intérêt pour ce qui va suivre. [...]
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