Romancier et dramaturge irlandais (Dublin, 1906-Paris, 1989), Samuel Beckett étudie au Trinity College à Dublin les langues romanes, l'italien et le français. Il choisit de vivre définitivement en France, s'y fixe en 1938. Ami de Joyce dont il fut le secrétaire, influencé par Proust auquel il consacre un essai dès 1919 jusqu'à sa mort la gloire qui avait fondu sur lui à la suite de ses succès internationaux au théâtre, et du prix de littérature obtenu en 1969, attribué pour « son œuvre, qui à travers un renouvellement des formes du théâtre, prend toute son élévation dans la destitution de l'homme moderne. Il est enterré au cimetière Montparnasse.
Son nom est associé à l'apparition du Nouveau Théâtre, encore appelé Théâtre de l'absurde ou de la cruauté, qui opère une remise en cause des conventions théâtrales, sur le fondement des idées d'Antonin Artaud, en rejetant l'intrigue (privilégiant ainsi les bizarreries du hasard), la psychologie (les personnages sont des antihéros grotesques et vides), et le langage (tourné en dérision du fait de sa perte de sens et impuissant à permettre aux hommes de communiquer entre eux).
Il s'agit de représenter non pas seulement la cruauté que l'homme peut exercer sur les autres, mais aussi celle que les choses et le temps peuvent exercer sur l'homme, c'est à dire la cruauté métaphysique du destin de l'homme. Ainsi placé sous le signe de l'absurdité, ce Nouveau Théâtre est illustré par Eugène Ionesco, Arthur Adamov et Samuel Beckett.
[...] Restent les corps donc, marqués et déchus. La scène Beckettienne, donnant l'impression de subir la souffrance christique, ne saurait cependant faire l'objet d'une lecture spiritualiste. N'oublions pas que les personnages ôtent toute crédibilité à Dieu (dans Fin de partie, les personnages se résignent à prier, traitent Dieu de salaud mais il est vrai que ceux-ci semblent attendre un jugement, qu'ils semblent purger leurs afflictions et condamnés à attendre. Le participe présent dans le titre de la pièce de théâtre la plus connue de Beckett suscite encore l'interrogation, à tel point qu'on en vient à se recommander des linguistes pour déceler le sens caché de cette mise en suspens. [...]
[...] À défaut de pouvoir parler d'action, la pièce se déroule hors du temps, avec une chronologie imprécise et incertaine : réveil (et qui nous dit que ce réveil sonne à l'heure couchers, sonneries d'un réveille-matin, attente de la tombée de la nuit. L'espace, lui, est tout aussi minimaliste : un arbre dans En attendant Godot (l'arbre sous lequel se rendu le jugement un intérieur sans meuble dans Fin de partie, une étendue désertique d'herbes brûlées dans Oh les beaux jours. L'espace joue comme métaphore de temps : hier, dit Beckett, n'est pas un jalon q nous aurions dépassés, c'est un caillou des vieux sentiers rebattus des années qui fait partie de nous irrémédiablement, que nous portons, lourd et menaçant. [...]
[...] L'absurde au théâtre n'est pas seulement celui de situations qui n'aboutissent pas et qui se répètent inlassablement, c'est aussi celui des échanges illogiques, des malentendus, des contradictions et des quiproquos. C'est en ce sens qu'il a effectué un véritable travail sur la langue et sur les dialogues, nous enjoignant ainsi de nous interroger sur l'utilité de la langue et sa faculté à nous permettre de créer du sens. Face à la difficulté de communiquer des personnages et à l'impossibilité pour eux d'avoir prise sur le destin (à Hamm qui demande Qu'est-ce qui se passe ? [...]
[...] Si elle s'adresse parfois à son mari Willie, prostré et à demi inconscient derrière le mamelon, elle n'obtient guère de réponse que quelques balbutiements ou monosyllabes. Contexte d'élaboration des pièces Dix années séparent En attendant Godot de Oh les beaux jours. Entre- temps fut écrit Fin de partie, dédié au premier des metteurs en scène de l'œuvre de Beckett, Roger Blin. Au regard de l'œuvre de l'auteur, ces dix années sont charnières : elles procèdent des premières amours de Beckett pour Proust et son ami Joyce, desquels il s'inspire pour créer son premier triptyque romanesque : Molloy (1951), Malone meurt (1951) et L'Innommable (1953). [...]
[...] Les représentations du corps sont multiples, et il n'y a pas de physique uniforme : Hamm gît dans un fauteuil, tandis que Clov pérégrine dans un continuel va-et-vient. Certains aspects évoquent la neurasthénie (Lucky qui ploie lentement, se redresse brusquement, recommence à ployer tandis que d'autres respirent une forme de joie sincère (en réalité naïve, et un peu désabusée) à l'image de Winnie, la cinquantaine, de beaux restes, blonde de préférence, grassouillette, bras et épaules nus, poitrine plantureuse Siège de l'expression, le visage est particulièrement marqué ; il est blanc, parfois de teint rouge (Clov dans fin de partie) et on s'y focalise : dans Oh les beaux jours l'enfouissement dans la terre de Winnie et de son acolyte ne fera plus apparaître que le visage. [...]
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