Dans le train, il fait la connaissance d'Ingebord Delgado, belle allemande d'origine portugaise. Elle a une jambe de bois. Elle lit Thomas Mann. Juive, elle attend un visa pour les Etats-Unis car elle ne peut rentrer dans son pays et n'à aucune confiance dans le régime de Salazar. Ils vont dîner au wagon-restaurant et s'il lui offre son bras, ce n'est point pour l'aider mais « parce que vous savez, au Portugal, nous sommes très galants » (77). Quand il lui dit n'être peut-être pas heureux de ce qui se passe dans son pays, elle l'invite à combattre, à ne plus rester silencieux. « Je ferai de mon mieux » lui répond-il. (76) (...)
[...] Tout au long du témoignage, ceci revient comme une sorte de leitmotiv. Pourtant, dans ce cas et exceptionnellement, peut-être parce qu'il fait confiance au docteur Cardoso, Pereira dit souvent rêver de la Grandja, une plage près de Porto où il allait quand il était jeune, d'où l'attirance pour ses souvenirs qu'il évoquait peu avant. Au dîner il indique que Lisboa va prochainement publier une nouvelle sur le repentir, écrite par Balzac, Honorine . Il prétend, ou précise, qu'il l'a lue sous un angle autobiographique c'est-à-dire qu'il s'y est reconnu. [...]
[...] Qu'y faire ? Rien, répond Cardoso, si ce n'est y aider, faciliter cette mutation pour que dorénavant sa vie ne lui semble plus inutile. Pereira passe la semaine à prendre des bains de boue, manger plus sainement, parler littérature avec son médecin. Il lui raconte le conte de Daudet La dernière classe: Après la perte de l'Alsace par la France, en 1871, un instituteur doit quitter son village et fait sa dernière classe où viennent non seulement ses élèves mais aussi tous les habitants. [...]
[...] Pereira qui n'a su très longtemps à qui parler trouve dans les lecteurs du Lisboa les interlocuteurs dont il avait besoin pour réaliser son destin et aller au bout de lui-même. En référence aux écrivains français catholiques qu'il aime tant, on pourrait presque dire que Pereira a été touché par la grâce. Mais ce n'est pas ici une grâce chrétienne, donnée par Dieu. C'est une volonté laïque qu'un homme libre a su traduire et provoquer. Pereira évoque souvent son besoin de repentir qui est en fait l'expression de son malaise moral lors qu'il dit avoir eu une vie intéressante. [...]
[...] Parce qu'il était seul parce qu'il avait très faim, parce qu'il pensa au portrait de sa femme ou pour quelque autre raison ? Cela il ne saurait le dire, prétend Pereira. On a là quelques traits forts du personnage : sa solitude, son amour pour sa femme, son besoin de vivre, de parler. Au cours du déjeuner, Monteiro Rossi, un peu embarrassé, explique qu'il a écrit son article sur Garcia Lorca en suivant les raisons du cœur et non celles de l'intelligence. [...]
[...] Est-ce un policier ou un juge d'instruction consignant un procès verbal ? Mais à quelle fin et quand cela a-t-il eu lieu ? Le narrateur est bien Antonio Tabucchi qui, pour Vargas Llosa, va éclairer les faces noires d'une dictature, sa violence et ses excès et ce de la façon la plus neutre qui soit, comme un rapport relatant des faits précis et dont seuls les rêves sont exclus. Ce témoignage s'achève sur une interrogation : que va devenir Pereira ? Et c'est au lecteur d'imaginer la suite. [...]
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