Dans ce chapitre introductif, Lévi Strauss se propose de dépasser le débat traditionnel qui oppose Histoire et ethnologie, dans leurs principes et dans leurs méthodes, pour suggérer la nécessité et les bienfaits de leur complémentarité. Soulignant l'humilité de l'ethnologie, et ses difficultés à « capturer l'Histoire », Lévi Strauss revendique ...
[...] Il réinvestit cette querelle disciplinaire par un glissement, il oppose ethnologie et Histoire. Lévi-Strauss invite à dépasser l'opposition facile des méthodes et principes en insistant sur leur commune étude de l'altérité. S'il commence par rappeler la portée universelle de la recherche anthropologique, assignée par Boas, sous couvert du label scientifique, Lévi-Strauss souligne cependant le dilemme face auquel se trouve la discipline. L'analyse d'une culture unique peut-elle se faire sans connaissance du développement historique qui a abouti aux formes actuelles ? [...]
[...] Le pessimisme final de Lévi-Strauss illustre parfaitement ce raidissement de la notion de structure. Après avoir été dévoilée, la structure n'a aucun message à nous communiquer. Elle est uniquement annonciatrice du crépuscule des hommes. La dislocation du rapport entre passé/présent et avenir ne promet aucun avenir différent autre que la reproduction du modèle présent. Ainsi, le rapport de l'homme à l'homme s'en trouve assujetti à un statut zoologique . Même si Lévi-Strauss se revendique d'un pessimisme serein, à l'horizon se profile uniquement le ressassement. [...]
[...] Le débat entre structuralisme et Histoire est fondamental pour comprendre les modalités du passage du problème de l'existence à celui de la structure. Si le paradigme structuraliste s'épanouit sur une négation de l'historicité et la recherche des origines, c'est en tant qu'expression d'une conscience nouvelle, ethnologique, se substituant à une conscience historique. Tout se passe comme si Lévi-Strauss était victime d'une amertume devant le cauchemar qu'est devenu l'Histoire. On peut voir dans cette volonté de rupture avec l'historicité une entrée précoce dans la post- modernité. Le progrès, l'Histoire et l'homme seront l'objet d'une réduction pour faire prévaloir une modélisation quasi-mécanique. [...]
[...] En effet, l'objet du recueil de texte que forme Anthropologie structurale est bien d'éclairer la méthode structurale en anthropologie . De ce fait, ce chapitre introductif pose les bases de la portée fondatrice de la structure chez Lévi-Strauss, et participe d'une relégation feutrée de la discipline historique. Tout l'enjeu de cette conférence étant de poursuivre et de compléter l'intuition fondamentale de Boas, principale maître à penser de Lévi- Strauss : assigner aux recherches ethnographiques un objet scientifique, et une portée universelle. [...]
[...] L'extension de la notion de structure à l'anthropologie lui confère ainsi une portée philosophique. L'incompatibilité profonde de la notion de structure avec la philosophie de l'existence, qui prévalait jusqu'alors, lui donne une importance d'autant plus grande. La démarche de Lévi-Strauss s'inscrit dans le contexte de la montée des sciences humaines, qui revendiquent un espace institutionnel pour permettre l'expression d'une troisième voie entre la littérature et les sciences exactes. L'homme sartrien va s'effacer au profit de la règle, du code et de la structure. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture