Commentaire des pages 42 à 46, de « Cela t'amuse-t-il tant » à « cela m'était complètement égal. » (Livre II)
Les Nourritures terrestres d'André Gide ont été publiées en 1897. Elles traitent sur un mode lyrique de la libération que Gide a éprouvée lors de son premier voyage en Tunisie. L'œuvre est divisée en huit livres dont le style est assez polymorphe. En effet, des versets solennels, des extraits de journal intime, des poèmes et des textes philosophiques se succèdent tour à tour. L'extrait étudié correspond à la fin du livre II. Il s'ouvre sur un dialogue puis des textes de genres variés se suivent et s'adressent tantôt à Nathanaël, tantôt au lecteur, voire même aux deux. Par conséquent, quel est le véritable genre de ce texte qui apporte des idées philosophiques et quelles en sont les contradictions manifestes ? D'une part, Gide propose un texte aux facettes multiples qui, d'autre part, met en avant une véritable leçon de vie. Cette leçon de vie présente, cependant, de nombreuses contradictions.
[...] En ce sens, la subjectivité est très apparente au sein du texte. Cette subjectivité concourt particulièrement au paradoxe de l'écriture gidienne. Effectivement, il y a un paradoxe manifeste dans l'acte même d'écrire puisque Gide a quand même le souci d'écrire pour un public, donc de bien écrire, mais en même temps il revendique une profonde sincérité. Son écriture présente l'illusion du naturel mais cela ne demeure qu'une illusion. Cette quête d'absolue sincérité est d'autant plus paradoxale que l'excès de subjectivité est allié au détachement critique permanent : le malheur de chacun vient de ce que c'est toujours chacun qui regarde et qu'il subordonne à ce qu'il voit. [...]
[...] Lorsque l'individu réfléchit à sa condition, il s'arrête de vivre pendant ses réflexions. Comme l'avait dit Montaigne dans ses Essais : philosopher c'est mourir un peu Gide reprend cette idée. Au lieu de perdre du temps à penser, il est préférable de mettre en œuvre une soif de découvertes et d'évoluer vers de nouveaux horizons. Le texte de Gide apparaît donc comme un texte didactique qui présente de nombreux paradoxes. En effet, dans cette œuvre polymorphe, Gide finit par se perdre lui-même au sein des paradoxes qui découlent de ses réflexions. [...]
[...] En conclusion, Gide propose avec Les Nourritures terrestres une œuvre aux genres polymorphes. La discontinuité et la diversité peuvent apparaître comme une tentative de mimésis de la mouvance de l'existence. La dimension autobiographique est très marquée, d'où la question de la subjectivité du propos et surtout, d'où le paradoxe de l'écriture gidienne dans ce livre. André Gide met en avant une leçon de vie établie en fonction de la sienne mais pas uniquement, ce qui confère une grande richesse à l'œuvre. [...]
[...] Que me font tous ceux-là/Qui disent, qui disent, qui disent:/Hier j'étais ici, aujourd'hui je suis là . La poésie du texte réside aussi dans la répétition du nom Nathanaël qui est martelé comme un refrain. Au milieu de l'extrait, une sorte de traité philosophique apparaît et l'aspect didactique qui en émane est indéniable. La diversité du texte est mise en avant aussi par les nombreuses références religieuses qui émaillent le texte. La mention d'Elisée dans l'extrait en est un exemple. Elisée était un prophète hébreu. [...]
[...] Gide propose un véritable évangile charnel car il précise qu'il ne faut pas invoquer la notion de péché comme excuse à nos actes et à fortiori comme excuse au bonheur : je n'étais sûr de ne plus pécher qu'à force de ne plus agir. Cette disponibilité concerne également les beautés et les trésors que la nature offre. Gide invite à l'unification du savoir et de la vie dans la ferveur. Il prône un véritable déploiement du moi intime vers l'infini et il rejette tout ce qui pourrait y nuire. L'individu, pour s'épanouir, ne doit se fixer aucune limite. La rationalité ne compte pas, Gide invite le lecteur à une philosophie sensuelle plutôt que cérébrale. [...]
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