L'Homme se prétend volontiers « maître de lui comme de l'univers » parce qu'il aurait le privilège, non seulement d'être bien informé de ce qui l'entoure, mais aussi de savoir immédiatement ce qui se passe en lui, grâce à sa conscience.
Pour Bergson il est victime d'une double illusion, mais cela ne signifie pas qu'il en soit responsable. En effet, sa première tâche est sans doute de vivre, et si l'on affirme que « vivre consiste à agir », il est clair que c'est par rapport à l'action que l'individu doit d'abord être informé. C'est précisément le rôle des sens et de la conscience, qui sélectionnent, dans le réel, les seules données qui nous soient utiles. Sans doute sommes-nous ainsi empêchés, à l'exception de l'artiste ou du poète, d'avoir accès à la totalité du réel, mais au moins sommes-nous préparés à répondre efficacement à ses exigences.?
[...] Le principe d'utilité révèle ainsi un envers quelque peu négatif, lorsqu'on passe de l'efficacité dans l'action à un critère tout autre, qui concernerait la qualité de ma relation au réel. Ce dernier, dans sa totalité, m'échappe parce qu'il ne me concerne jamais en tant que tel : ce qui me concerne c'est tel ou tel aspect de cette totalité, et c'est bien parce que : mes sens et ma conscience ne me livrent de la réalité qu'une simplification pratique c'est à dire liée à l'action. [...]
[...] Et c'est l'action elle- même qui, pour être accomplie, suppose que certaines conditions soient remplies. Cependant, l'action pour vivre exige une sélection par l'utile. En effet, lorsqu'il s'agit d'effectuer une version latine, je n'ai certainement pas besoin de connaissances en mathématiques ; inversement, résoudre une équation n'implique pas de recourir à un dictionnaire. Chaque situation n'appelle qu'un certain nombre de connaissances, qui doivent être retenues parce qu'elles sont utiles, tandis que d'autres, inutiles, peuvent être sans aucun risque écartées. Dans l'action, il en va de même : il s'agit d'« appréhender les choses dans le rapport qu'elles ont à nos besoins Lorsque j'ai besoin de manger, je n'appréhende des aliments que certains aspects (je n'ai pas besoin, par exemple, de penser aux gestes du boulanger qui a cuit le pain). [...]
[...] C'est aussi le monde intérieur de ma conscience. Loin de s'intéresser à tout, celle- ci, comme la perception, trie dans la complexité de ma réalité pour n'en retenir que ce qui favorise mon comportement du moment. Loin de m'apporter une connaissance complète de ce que je suis, qui serait à tout moment inutile et ne pourrait que freiner ou différer mes réactions, elle ne porte à ma connaissance que ce dont j'ai besoin. Il n'y a dès lors que de conscience incomplète, parce que sélective, et c'est bien la totalité de ma relation au réel, tant extérieure qu'intérieure, qui est caractérisée par sa soumission à la recherche de l'efficacité à court, ou au mieux, à moyen terme. [...]
[...] Toutefois, l'art, délié des exigences de l'action, pourrait reprendre contact avec le réel. C'est dans un tel contexte que le privilège rapidement reconnu à l'artiste et au poète mérite d'être évoqué. Contrairement au commun des hommes, ils ont, d'après ce qu'en dit brièvement Bergson ici, de ne pas être trop soumis au voile qui s'interpose entre l'homme et le réel. En d'autres termes, il leur est possible d'avoir un accès plus direct à la réalité, dans sa diversité qualitative et sans tenir compte de la sélection entraînée par le principe d'utilité. [...]
[...] Analyse texte de Bergson, Le rire : chapitre III Le comique de caractère L'Homme se prétend volontiers maître de lui comme de l'univers parce qu'il aurait le privilège, non seulement d'être bien informé de ce qui l'entoure, mais aussi de savoir immédiatement ce qui se passe en lui, grâce à sa conscience. Pour Bergson il est victime d'une double illusion, mais cela ne signifie pas qu'il en soit responsable. En effet, sa première tâche est sans doute de vivre, et si l'on affirme que vivre consiste à agir il est clair que c'est par rapport à l'action que l'individu doit d'abord être informé. [...]
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