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Epiphane Otos, alias Quasimodo, est l'homme le plus laid du monde et semble condamné par sa laideur à vivre reclus et sans connaître l'amour. Un jour, il répond par hasard à une annonce disant : "Casting : cherche homme hideux pour film d'art." Refoulé au casting car décidément trop laid -il s'agit là d'un film d'art, et non d'horreur- il s'insurge et se fait assommer par le responsable de la sécurité. Lorsqu'il ouvre les yeux, il voit une fée avec le front ceint de cornes de taureau penchée sur lui et se croit en plein délire, mais elle est bien là, la belle Ethel, nullement effrayée ni dégoûtée par sa laideur. Epiphane tombe immédiatement profondément amoureux d'elle, et c'est bien la première fois qu'il ressent un tel sentiment, lui à qui l'amour semblait interdit. A vingt-neuf ans, il n'a connu aucune femme, et Ethel les éclipse toutes par sa beauté pure, sa grâce, sa splendeur, un vrai ange enfin. Car si Epiphane est hideux, il n'entend pas convoiter des femmes laides, pour lui seule l'absolue beauté peut se marier à la laideur absolue. Mais il ne lui fait pas part de ses sentiments, qu'elle ne saurait partager, et préfère devenir son ami. Ethel est comédienne, et elle joue le premier rôle du film pour lequel Epiphane s'était présenté. Un film réalisé par un prétendu artiste, Pierre, qui, en voulant faire de l'art, ne fait décidément rien d'autre qu'un navet vide et prétentieux où le talent d'Ethel est gâché. Epiphane revient sur le plateau de tournage tous les jours, et il devient ami avec Ethel.
Leur vient un jour une idée : se venger de cette industrie de la mode qui entend non pas mettre en valeur la beauté et donner à voir aux gens un spectacle agréable, mais juste leur imposer de trouver telle ou telle chose belle, un point c'est tout (...)
[...] Ethel porte son diadème à cornes de taureau de leur première rencontre. Elle se distingue largement des autres candidates, ne serait-ce que par son expression, qui n'est pas vide comme la leur. Ils sont les premiers invités à entrer, et les employés de l'agence ne cessent de questionner Ethel, à propos de ses mensurations, de changer son nom vulgaire, de sa taille limite Quelle n'est pas leur surprise quand, alors qu'elle a enfin la possibilité de placer un mot, elle leur dit calmement que ce n'est pas elle qui souhaite devenir mannequin mais Epiphane, et qu'elle est seulement son agent. [...]
[...] Le réveil est difficile. Pendant son retour le lendemain, il regrette sa folie et souhaiterait n'avoir jamais révélé son secret, car il sent qu'il a perdu Ethel. Lorsqu'il l'appelle une fois arrivé, elle répond à peine, froidement. Il se dirige alors chez elle. Ethel lui exprime tout son dégoût. Quelle hypocrisie, de se présenter comme la pure victime, le pauvre Quasimodo qui n'a d'autre tort que d'aimer la belle ! S'il avait été si pur, il aurait aimé une femme laide, alors qu'il ne leur accorde aucun regard. [...]
[...] Epiphane se retrouve seul dans sa cellule, attendant son jugement qui tarde à venir, mais heureux de son sort. Car désormais Ethel n'existe que par lui et pour lui : il est le seul à la faire revenir dans ses souvenirs, elle n'est présente qu'à lui et sa mémoire. Rapide biographie de l'auteur : Née au Japon en 1967, Amélie Nothomb est une romancière d'origine franco- belge issue de la petite aristocratie belge. Plusieurs de ses ancêtres ont été eux aussi écrivains, ou bien acteurs de la vie politique. [...]
[...] Et tant de hideur a quelque chose de drôle. ( ) Mon visage ressemble à une oreille. Il est concave avec d'absurdes boursouflures de cartilages qui, dans les meilleurs cas, correspondent à des zones où l'on attend un nez ou une arcade sourcilière, mais qui, le plus souvent, ne correspondent à aucun relief facial connu. ( ) A peine mon succès eut-il éclaté que des hordes de mochetés sortirent de leur cachette. Je n'avais pas peur : je savais que j'étais le pire. [...]
[...] Il a accepté, et maintenant rien ne le tarde plus que d'y être, en cette fin d'année où il se sent seul et abandonné. Ethel se porte très bien sans lui, et lui n'est rien sans elle. Il cherche à avancer son départ, en vain. Il vit cette fin d'année encore plus mal que les précédentes, car cette année a été celle de leur rencontre, de tous ces merveilleux instants avec Ethel, et la suivante ne pourra qu'être moins bien. [...]
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