« Le classicisme, c'est la santé ; le romantisme la maladie » disait Goethe. Que faut-il comprendre par là ? et si l'œuvre de Musset était à envisager selon cette direction ? Car en effet, Alfred de Musset nous confesse son « mal » en le rapportant à une sorte de « mal » universaliste, désignant l'état d'incertitude et d'insatisfaction des deux premières générations romantiques. Ce trouble proviendrait plus exactement du décalage persistant entre espoir et réalité historique dérisoire. Le titre « Confession » s'inspire directement des Confessions de Saint Augustin et de Rousseau, ce qui semble ancrer l'œuvre dans la continuité du projet autobiographique. Pourtant, les archives témoignant de la relation tumultueuse qu'entretinrent Sand et Musset et dont se trame le récit de l'œuvre sèment le doute, Musset se serait plutôt inspiré de son aventure avec George Sand. Il remodèle l'histoire de sa vie pour constituer une fiction exemplaire de la « désespérance » d'une génération. La confession d'un enfant du siècle est une œuvre composite qu'il convient d'étudier plus précisément pour pouvoir lui attribuer toute référence générique. Trois éléments significatifs me semblent importants de relever néanmoins quand au choix même du titre. Alors que Musset lui-même se pose dans la continuité de ses prédécesseurs (St Augustin, Rousseau), ce dernier n'aspire pourtant qu'à ne donner qu'une confession. Nous nous interrogerons sur la portée symbolique d'une telle détermination. D'autre part, l'expression « enfant du siècle » tend à marquer l'œuvre du sceau de l'Histoire, en la plaçant directement en tant que « témoin » de son époque. A travers le récit, Musset souligne une volonté de fixer pour l'éternité la passion de deux amants en même temps qu'une analyse historique du « mal (de son) siècle ». Enfin, le simple fait de mentionner le terme « enfant » vient contredire la logique traditionnelle autobiographique. Musset publie son roman au lendemain de sa rupture avec George Sand, sans bénéficier de la sage distance de l'âge, qui permet pourtant de retranscrire légitimement et rétrospectivement les erreurs passées à la lueur de l'expérience et du « vécu ».
L'œuvre de Musset semble répondre à plusieurs catégories autobiographiques, ce qui crée un effet de trouble, d'indétermination et de confusion auxquels Musset a réfléchi. Selon Philippe Le jeune, qui fait de l'autobiographie son principal objet d'étude, celle-ci concerne : « un récit rétrospectif en prose qu'une personne réelle fait de sa propre existence, lorsqu'elle met l'accent sur sa vie individuelle, en particulier sur l'histoire de sa personnalité » contrairement aux « mémoires » qui mettent l'accent sur le caractère Historique de la vie de l'auteur. Dans le cas de la confession d'un enfant du siècle, nous parlerons donc de « roman autobiographique » de façon à opérer une fusion entre les deux frontières génériques convoquées. Nous étudierons, à partir de cette fusion générique, l'intrication de l'histoire de la personnalité de Musset dans la mouvance de l'Histoire elle-même. Car en effet, il s'agit bien de rendre compte d'une confession personnelle et singulière, en même temps qu'elle est professée par « un » enfant du siècle, article indéfini qui appelle à l'universalisation. Nous relèverons ainsi les particularités stylistiques permettant de dresser « l'histoire de la personnalité » de Musset, pour mieux saisir le rôle que Musset s'assigne lui-même : celui d'un porte parole d'une génération toute entière. Nous entreprendrons ensuite de confronter cette histoire à celle qu'esquisse George Sand, une vingtaine d'années plus tard dans, Elle et lui ; ainsi que les indices, qui, disséminés dans leur correspondance, permettent de discuter et parfois même de démentir l'authenticité prônée par ces deux entreprises. Enfin, dans un troisième temps, nous traiterons du problème de la transcription cinématographique des récits autobiographiques, de leur fidélité et la difficulté d'adapter un genre aussi étanche dans un autre médium artistique.
[...] Songe à ton père et à faire le bien. Mais pourquoi ne le puis-je pas ? Pourquoi le mal m'attire-t-il à lui ? Mets-toi à genoux, confesse-toi ; si tu crois au mal, tu l'as fait. Si je l'ai fait, est-ce ma faute ? Pourquoi le bien m'a-t'il trahi ? De ce que tu es dans les ténèbres, est-ce une raison pour nier la lumière ? S'il y a des traitres, pourquoi es-tu l'un deux ? [...]
[...] La régie vous empoisonne. Et puis on m'a apporté des bottes neuves qui ne vont pas du tout Et puis il pleut Et puis, et puis, que sais-je ? Les jours sont longs comme des jours sans pain depuis quelque temps, ne trouvez-vous pas ? Non, vous ne trouvez pas, vous. Vous ne connaissez pas le malaise, le plaisir qui ennuie, et l'ennui qui grise, le mal sans nom dont je vous parlais l'autre soir, dans ce petit salon lilas où je voudrais être maintenant, car j'ai un jour affreux pour peindre, et, ne pouvant peindre, j'aurais du plaisir à vous assommer de ma conversation. [...]
[...] Pourquoi mens-tu, lâche, à ce moment même ? Que ne meurs-tu, si tu ne peux souffrir ? Ainsi parlaient et gémissaient en moi deux voix terribles et contraires, et une troisième criait encore : Hélas ! Hélas ! Mon innocence ! Hélas ! Hélas ! Les jours d'autrefois ! [...]
[...] Aujourd'hui peut-être plus qu'hier. Nous sommes désormais heurtés par des sociétés bloquées, victimes d'un matérialisme triomphant des idéologies à bout de souffle A celui de Musset et de Sand, Kurys va tenter d'y mêler son propre autoportrait. Elle décrit alors la génération de l'après-guerre comme cette génération qui a choisi de réinventer l'amour et les relations humaines comme peut-être Sand et Musset à leur époque. La génération de l'après-guerre, dont elle faisait partie, se passait de main en main La confession d'un enfant du siècle au même titre que le petit livre rouge Cet hommage à la relation que vécurent Sand et Musset montre ainsi que le message de La Confession d'un enfant du siècle dans son enveloppante universalisation est passé à travers les siècles. [...]
[...] Ces adresses sont dès lors ou directes lecteur ou reformulent les objections hypothétiques de ces derniers Mais, dira le lecteur Tout comme Musset se dit témoin oculaire de son temps, nous sommes portés, nous, lecteurs, à témoigner en faveur de Musset ou du moins, de plaider sa cause. S'il faut associer cette demande d'appui de la part du tiers (le lecteur), on peut stipuler que ce que demande Octave à genoux à Brigitte, est moins le pardon, que la condamnation. Au juge, il préfère y trouver son bourreau. [...]
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