La structure est linéaire, elle trace un parcours, un itinéraire. En même temps, chaque chapitre possède son unité, peut être lu de façon autonome. Chaque chapitre traite de l'ensemble des thèmes, mais d'un point de vue qui évolue selon l'expérience et la réflexion de l'auteur. Si ce livre narre un voyage, c'est aussi celui de la conscience de Paul Nizan.
Voici l'itinéraire décrit : Paul Nizan fait état de son dégoût du monde et de lui-même. Son voyage représente une fuite qu'il ne cache pas. Ce n'est pas le « voyage qui forme la jeunesse » devenu proverbial (chapitres I à IV) mais une fuite le plus loin possible de ce qu'il ne supporte plus. L'auteur décrit le trajet en bateau (chapitres V à VI) puis son arrivée et sa vie dans cette contrée désertique (chapitres VII à IX). Il y retrouve le même ordre social qu'à Paris, et Paul Nizan l'analyse dans les chapitres X à XII. Le retour se prépare et se fait dans les chapitres XIII à XIV et Paul Nizan retrace son itinéraire et les conséquences au dernier et long chapitre XV : pour se retrouver, c'est la guerre qu'il faut préparer, la guerre contre l'ennemi qu'il s'est défini : les classes dominantes, son appareil d'État et idéologique, dans l'optique d'une émancipation de l'humanité.
Un résumé ne peut rendre compte de l'étonnante profusion et densité de ce texte. À la fois récit de voyage, récit introspectif, essai philosophique et manuel politique. L'auteur y analyse les contradictions des classes sociales, de sa caste d'intellectuels et les siennes propres en tant qu'individu libre.
L'écriture de Paul Nizan s'adapte à chacune des thématiques, toujours dans une perspective de narration.
[...] Exercice journalistique, de vulgarisation. Ces mots, mis les uns à côté des autres, se frottent, se piquent : les sons et les sens se confrontent les uns aux autres, se mêlent, s'attirent et se repoussent : [ . ] les déclarations sur la pureté et l'impureté [ . sur l'inspiration, la conversion et l'inversion. (p. 77). Ou encore [ . ] les industriels français, les académiciens, les policiers, les séminaristes, les socialistes français [ . ] puis Je vois partout les preuves de pierre de leur domination, les églises, les palais nationaux, les casernes, les instituts, les commissariats, les palais de justice, les bordels, les ministères (p. [...]
[...] Ces échappatoires sont diverses et consistent aussi bien en une carrière professionnelle qu'en l'adhésion en une idéologie : la religion, la littérature, le spiritisme, la philosophie. Et même en l'ironie, mais expurgée de toute critique. Et la fuite réelle c'est-à-dire le suicide. Au passage, Nizan écorche les surréalistes jeunes gens d'une correction américaine qui organisaient des enquêtes: le suicide est-il une solution. Et enfin le vrai voyage, dont des écrivains, des philosophes promettaient merveilles forcément en dehors du continent européen. Les autres continents étant des images construites en opposition à l'Europe. [...]
[...] On dirait un aphorisme. Les hommes ce sont les êtres de chair et de sang, les individus historiques soumis aux conditions économiques. L'homme c'est l'homme générique, un idéal, mais pas un idéal inaccessible, un idéal à atteindre par la transformation sociale, ce qu'on appelait alors révolution, ce que ce livre nomme toujours révolution sans jamais le dire. Accumulation, densification Une écriture qui utilise l'accumulation, à la fois pour montrer la réalité qui échappe à la conscience, pour désigner l'ensemble des ennemis à combattre. [...]
[...] Nizan n'oublie jamais la présence transformatrice de l'homme, présence maléfique ou bénéfique ou les deux à la fois Son imaginaire est bourré de réminiscences littéraires : à commencer par les références à L'Odyssée d'Ulysse qui apparaît dès le chapitre VI puis dans les derniers chapitres (référence à Nausicaa, à Circé, aux Lotophages p. 95). Et d'autres comme dans les Géorgiques [p. 138], comme sur un tableau de Vinci [p. 140], Edgard Allan Poe. Cette écriture littéraire, il l'expérimente aussi sous forme de pastiches. Lorsque Nizan convoque Ulysse, Ithaque et l'Odyssée, telles des figures obligées. C'est le voyage d'Ulysse, comme j'aurais dû savoir, si je n'avais pas fait mes humanités pour rien. Et il se termine naturellement par le retour [p. 157-158]. [...]
[...] 174] résume tout son projet dans cette sentence page 136: Que de fois j'aurais répété le mot homme. Mais qu'on m'en donne un autre. C'est de cela qu'il s'agit : énoncer ce qui est et ce qui n'est pas dans le mot homme. Sa haine d'une partie de l'humanité qui a renoncé à ses caractéristiques d'être humain pour des caractéristiques abstraites, est nécessaire au surgissement d'une humanité plus complète. III. CRITIQUE DE L'IDÉALISME PHILOSOPHIQUE Nécessaire à une pensée et une action révolutionnaire, Paul Nizan veut régler son compte au drapeau mercenaire de l'idéalisme critique [p. [...]
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