L'Abuseur de Séville, dont la paternité a été attribuée à Tirso de Molina, se présente comme la première version théâtrale du mythe de Don Juan. L'auteur écrivit cette pièce vers 1630 et offrit ainsi une parfaite représentation de l'Espagne du XVII ème siècle bien qu'il affirma mettre ses personnages en scène dans un siècle ultérieur afin de déjouer les pièges de la censure.
C'est donc en plein siècle d'or espagnol que la pièce vit le jour. Cette période de rayonnement culturel se caractérise par une extraordinaire vitalité littéraire et artistique ainsi qu'une montée en puissance du genre théâtral (...)
[...] Le personnage du valet ne semble exister qu'à travers son maître. Il n'y a que dans le Don Giovani de Mozart que le valet nommé Leporello a une vie privée puisque l'on apprend qu'il est marié. Par ailleurs un lien très fort unit Don Juan à Catherinon, celui-ci ne repose pas seulement sur la domesticité, c'est presque de l'amitié. Tout d'abord, bien que Catherinon appelle son maître Monsieur il le tutoie : A tes ordres, monsieur ce qui prouve leur attachement réciproque. [...]
[...] Le maître se permet même quelques fois d'injurier Catherinon : Deviendrais-tu prédicateur, impertinent ? Sot ! (Acte II). Le surnom attribué au valet est encore une marque d'avilissement puisque Catherinon est construit à partir du prénom féminin Catherine et paraît supprimer ainsi toute virilité dans la personnalité du valet : Si Catherinon je me nomme, je n'en suis pas moins homme de bon, monsieur. Ce silence sur la vie privée du valet de Don Juan est d'ailleurs récurrent au fil des réécritures du mythe. [...]
[...] Cette figure complexe que l'on retrouve chez Miguel de Cervantes sous le nom de Sancho Panza se révèle être l'interlocuteur privilégié d'un maître noble et amoureux qu'il abreuve de critiques ou de récriminations. A la fois compagnon et contrepoids comique du héros, le gracioso représente le côté prosaïque de la réalité. Le valet Catherinon présente les mêmes caractéristiques : il est caractérisé par son respect de la tradition, des lois sociales et religieuses et met en garde Don Juan en lui rappelant que le châtiment encouru pour ses crimes est la mort : Dieu tire toujours vengeance Songe que, quand vient la mort, la vie la plus longue est bien courte (Acte III), il est donc un fervent croyant, inquiet devant les blasphèmes de son maître : Par le Christ Que Dieu me tire en paix de toute cette affaire Moi qui l'ai regardé jouer, je ne voudrais pas m'attirer, pour avoir été ton témoin, des foudres qui me réduiraient en chair fumée ! [...]
[...] Ainsi il porte un jugement très dur à son propos : Je sais bien que tu es le châtiment des femmes (Acte il le qualifie de Diable malheureux toi qui viens de tomber sous la patte de Lucifer ou encore Arrête-toi ou l'abuseur d'Espagne va bientôt te tromper Il affiche clairement son opinion : On embabouine de nouveau ? Je n'approuve pas. et n'a pas peur de s'opposer à son maître. Il affirme d'ailleurs préférer sa condition à celle de Don Juan Agis à ta guise. Moi j'aime mieux, plutôt que d'abuser les femmes, être Catherinon. [...]
[...] Catherinon s'oppose ainsi à son maître par son caractère. Ce dernier se montre téméraire : Don Gonzale .-Tu ne manques pas de courage ! mais également insouciant : Bien lointaine est votre échéance Quand mon père est le maître de la justice et qu'il jouit de la faveur du roi, que crains-tu ? Ces deux personnages paraissent être totalement opposés tant dans leur vision du monde que dans leur caractère. Cependant un lien très fort les rapproche puisque Catherinon est au service de Don Juan. [...]
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