Le narrateur Des Grieux prend le parti de raconter son histoire en retranscrivant de manière la plus intacte possible ses aventures, ses sentiments, ses divers états émotionnels.
Dès le début de sa narration, le lecteur en perçoit la fin tragique : "Je veux vous apprendre, non seulement mes malheurs et mes peines, mais encore mes désordres et mes honteuses faiblesses." (p 45), annonce Des Grieux en guise d'introduction de son récit (...)
[...] Car si le roman personnel permet au narrateur d'exprimer librement sa passion, le Chevalier des Grieux abuse de cette liberté que permet la subjectivité pour brosser un autoportrait exemplaire : ses vices sont transformés en écarts de conduite d'un homme aveuglé par la passion et ses larmes font de lui un homme sensible, caractère exemplaire et récurrent au XVIIIème siècle. Plus encore, Des Grieux se dépeint comme un être soumis au fatum, à son destin, donc comme un héros tragique par excellence. Et cette fatalité est représentée par la volonté de Manon, dont les désirs sont à l'origine de tous ses écarts de conduite. Car l'amour de Des Grieux pour Manon est d'autant plus fort qu'il est incompatible avec la vertu. Lorsqu'il veut retrouver cette vertu, il doit se séparer de Manon. [...]
[...] 48) En effet, Manon se fait tour à tour tentatrice et provocatrice, et conduit inlassablement Des Grieux à pousser plus loin le vice qu'elle semble imposer. Les images de chute et de fuite sont récurrentes. Alors que le chevalier décrit sa vie sage et exemplaire au collège, sorte de paradis dans lequel quelques marques d'aversion pour le vice 46) vont de pair avec une méconnaissance de la différence des sexes sa rencontre avec Manon fait de lui un ange déchu qui devra sans cesse fuir le destin funeste qu'elle attire irrémédiablement : Elle me dit, après un moment de silence, qu'elle ne prévoyait que trop qu'elle allait être malheureuse, mais que c'était apparemment la volonté du Ciel, puisqu'il ne lui laissait nul moyen de l'éviter. [...]
[...] Des Grieux se comporte en auteur et éclaire par des poses réflexives les moments-clés du récit. En prison, il veut écrire un commentaire de cette histoire. Enfin, il interrompt sa narration pour souper avec Renoncour au moment le plus intéressant, ménageant le suspense de son récit pour qu'on le prie de continuer : Notre attention lui fit juger que nous l'avions écouté avec plaisir. Il nous assura que nous trouverions quelque chose encore de plus intéressant dans la suite de son histoire. [...]
[...] C'est ce penchant qu'il cherche à gommer dans son récit, mais là encore, il recherche la narration larmoyante et s'y complait, et sa soumission à Manon relève là encore du fantasme. En somme, tous ses malheurs sont non seulement prévisibles mais peut-être également recherchés, et la fuite se change en une quête du malheur. Sa prétendue soumission au destin n'est alors que mauvaise foi visant à se disculper tout en attisant la compassion de son auditoire Un récit manipulé C'est alors dans la narration même que Des Grieux manipule la réalité pour tromper le lecteur et affiche un véritable besoin de séduire. [...]
[...] Le père de Des Grieux obtient que son fils soit libéré et que Manon soit exilée en Amérique. C'est en suivant le convoi que le chevalier rencontre Renoncour à Pacy. Il s'embarque comme volontaire à bord du vaisseau qui emporte Manon, et sympathise avec le capitaine à qui il raconte ses malheurs. En Amérique, le gouverneur leur obtient un logement. Les amants décident de se marier, mais le neveu du gouverneur s'éprend de Manon. Des Grieux, croyant l'avoir tué lors d'un duel, s'enfuit dans le désert avec Manon, qui meurt d'épuisement. [...]
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