Les tragédies : entre terreur et pitié

Résumé du document

Ce document, complet et entièrement rédigé, se propose d'étudier quatre œuvres tragiques :

"Œdipe Roi", de Sophocle : nous allons commenter la nature du chœur et son rôle dans l'économie générale de la pièce.

"Le Roi Lear", de Shakespeare : nous allons tenter de déterminer dans quelle mesure le texte de Shakespeare problématise-t-il le rapport entre la vérité et les apparences.

"Mithridate", de Racine : nous allons répondre à la question ; comment le conflit politique et le conflit amoureux s'entremêlent-ils dans cette pièce de Racine ?

"La maison de Bernarda Alba", de García Lorca : en quoi la disposition scénique (agencement de l'espace, utilisation d'objets, jeu des couleurs) permet-elle de traduire la tyrannie exercée par Bernarda sur sa maison ?

Enfin, afin d'apporter une conclusion, nous nous poserons cette question de synthèse sur les quatre œuvres : dans quelle mesure chacune des tragédies étudiées offre-t-elle un spectacle des passions ?

Extraits

[...] A l'instar de As you like it, Shakespeare manipule avec talent le thème de la vérité et des apparences dans son Roi Lear. L'hypocrite, si l'on se réfère à l'étymologie, est "l'homme sous le masque", soit, l'acteur, ce qui rend le traitement de ce thème particulièrement probant au théâtre. Dans la pièce, tous les personnages cherchent à duper le roi : en cela, ils sont des hypocrites, des acteurs qui revêtent un autre rôle que le leur. C'est par exemple le cas de Edgar qui fausse son identité pour revêtir celle du pauvre Tom, à l'aide d'un déguisement mais c'est aussi le cas de Kent, qui, pour protéger son roi va sortir de son rôle et s'inventer une nouvelle identité par l'intermédiaire du déguisement : il sera désormais le serviteur Caius. [...]

[...] Conflit politique et amoureux sont intrinsèquement liés dans Mithridate de Racine pour plusieurs raisons. Pour une raison évidente d'abord, parce que les deux intrigues sont concomitantes : la pièce s'ouvre sur l'annonce d'une victoire de Rome, la mort de Mithridate et donc la possibilité pour les deux frères d'épouser sa fiancée Monime. Dès lors, la fiancée et l'héritage du royaume s'entremêlent ; les plans, politique et amoureux, se confondent. Lors du cinquième acte, c'est parce que Xipharès repousse les Romains que Mithridate mourant lui accorde la main de Monime. [...]

[...] D'autre part, le choeur joue, par effet de miroir, un rôle de spectateur sur scène. En effet, le coryphée, sert, à plusieurs reprises, à exprimer l'incompréhension face aux événements qui se déroulent dans la pièce. Le choeur n'a pas connaissance de ce qui se trame, tout comme les spectateurs. Le choeur émet un chant, le stasimon, qui interroge les propos de Tirésias sur la prophétie concernant Oedipe, puis, le choeur prononce un nouveau stasimon, après qu'Oedipe a raconté son enfance et un dernier, une fois l'identité d'Oedipe, meurtrier de son père et mari de sa mère est révélée. [...]

[...] Ainsi, si les tragédies offrent un véritable spectacle des passions, c'est parce que les personnages qui les ressentent et les expriment sont exceptionnels. Toutefois, ils ne sont pas les seuls à inspirer crainte et pitié, c'est peut-être même plutôt la dramaturgie, c'est-à-dire l'orchestration de ces passions comprenant, entre autres, des retournements tragiques du sort, qui fait grande impression dans la tragédie de la Renaissance et la tragédie classique. [...]

[...] Par ailleurs, la machination fait partie de ce même processus. Quand Edmond, cherche à démontrer, par une fausse lettre, qu'Edgar a l'intention d'usurper la succession du roi mais qu'il le fait de manière suffisamment habile pour protéger son frère des attaques du père (« Ainsi donc, Edgar le légitime, il faut que j'aie votre patrimoine [ . ] Que je doive à mon esprit, sinon à ma naissance »(« Legitimate Edgar, I must have your land [ . ] Let me, if not by birth, have by wit »), il y a machination, c'est-à-dire distortion de la réalité à des fins de duperie. [...]