L'esthétique classique qui s'installe entre 1630 et 1660 a pour visée de représenter le vrai, le beau et la supériorité de la raison: une conception qui rejoint les idées de Platon. Dans la citation que nous avons, Platon refuse la contrefaçon du vrai et donc de la folie. Il reconnait qu'il faut apprendre à connaître la folie mais refuse toute imitation – dont et surtout celle du théâtre – pour y parvenir. Platon écrit qu'il ne faut pas « habituer » à l'imitation puis qu'il ne faut pas du tout imiter: il intensifie son discours au fil des lignes. Nous retiendrons de lui l'idée la plus radicale, c'est-à-dire celle qui refuse toute imitation.
[...] Les spectateurs sont amenés à se moquer de lui : de cette manière la folie est discréditée, en faveur de la raison. La folie servirait donc à faire l'éloge de la raison. Il faut également voir que la folie ne peut pas être représentée telle qu'elle au théâtre. Il faut adapter le langage de la folie à la raison, afin que le discours soit compris par les spectateurs non-fous. L'incohérence de la parole du fou ne servirait à rien puisqu'elle ne voudrait rien dire et qu'elle n'expliquerait rien. [...]
[...] Alors que les véritables fous, le sont. Les auteurs ne s'intéressent pas à leur condition : elle est totalement absente de leurs pièces. Il faut également voir que le fou représenté n'est pas le même que le véritable fou. Le théâtre les transforme en fous agréables qui n'effraient pas la société. L'aspect horrible de la folie est supprimé et les fous sont coulés dans le moule de l'esthétique de l'époque. Il n'y a qu'une partie du fou qui est prise : le fou est donc déformé et non-réel, alors qu'il était déjà comme nous venons de le voir décontextualisé. [...]
[...] En France, au 17ème siècle, le théâtre ne porte aucun intérêt à la réalité de la folie. Pour commencer, les auteurs négligent l'aspect médical. Dans La Mariane de Tristan l'Hermite et dans Mélite de Corneille la médecine est un sujet qui est totalement absent. Alors que dans Le Malade Imaginaire, Molière ridiculise la médecine, à l'aide d'Argan et des médecins, qui la décrédibilise à l'aide de leur obsession irrationnelle pour elle. Les auteurs négligent également la réalité des véritables fous. Leur condition, qui est d'ailleurs atroce, n'est jamais évoquée. [...]
[...] L'imitation, par le théâtre, de la folie est une manière de connaître, mais surtout de faire connaître la folie. La compréhension est plus efficace quand les spectateurs voient la folie, plutôt qu'en entendant un discours à son propos. La société de l'époque est inquiète et curieuse vis-à-vis de la folie : les individus ont peur de sombrer dedans, tout comme ils ont peur de rencontrer un fou. Le théâtre va donc viser à les rassurer en leur fournissant une image du fou, pour apaiser leur peur de l'inconnu en la leur faisant connaître. [...]
[...] L'accumulation de substantifs illustre la grande quantité d'hallucinations subies par le fou. Enfin, la superposition d'images macabres et bucoliques sert à illustrer la dualité dans laquelle est tombé le fou. La rationalisation de la parole du fou tente de lui donner un sens, avec par exemple dans Mélite de Corneille, des références mythologiques. A l'Acte Scène (v. 1627), Eraste dit : Tisiphone tremblante, Alecton et Mégère : il s'agit dans la mythologie grecque des Érinyes : des divinités persécutrices. De cette manière la parole du fou à un référent, même s'il est éloigné de la réalité. [...]
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